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Film de fiction, Russie, 2007, de Nikita Mikhalkov , en couleur, sonore.

Production : Studio TRITE, Russie, 2007

Durée : 153 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : français

Résumé :

Nikita Mikhalkov déplace à l'Est la trame du film Douze hommes en colère de Sydney Lumet (1957), immortalisé par l'acteur Henry Fonda. Le  film de Lumet était une adaptation d'une pièce de Reginald Rose : un jury composé de 12 personnes doit statuer sur le sort d'un jeune Portoricain accusé d'avoir tué son père. Onze jurés estiment qu'il est coupable et qu'il faut le condamner à mort, un seul est convaincu qu'il faut peser le pour ou le contre et va tenter de retourner les jurés un par un, le verdict devant être pris à l'unanimité.

Mikhalkov transpose ce canevas dans la Russie contemporaine en y greffant le thème de la guerre de Tchétchénie. Cette œuvre s'ajoute donc à la liste déjà longue de films de fiction, réalisés par des Russes, qui abordent, de près ou de loin, le sujet de  la guerre  (Afghanistan, Tchétchénie ou autre) : Musulman (Vladimir Khotinenko, 1995), Le Prisonnier du Caucase (Sergueï Bodrov, 1996), Le Purgatoire (Alexandre Nevzorov, 1997), La Guerre (Alexeï Balabanov, 2002),  La Maison de fous (Andreï Kontchalovski, 2002), La 9e Compagnie (Fiodor Bondartchouk, 2005), Alexandra  (Alexandre Sokourov, 2007), Le Captif (Alexei Outchitel, 2008), etc.

L'accusé est un jeune Tchétchène qui a  tué son père adoptif, un officier de l'armée russe. Il risque la prison à vie et non la peine capitale.  Le film réside essentiellement en un huis-clos entre les douze membres du jury, enfermés dans un gymnase d'école, la salle de délibérations du tribunal étant en réparation. Les jurés ne pourront sortir que lorsque le verdit sera arrêté. De cette trame, Mikhalkov tire un parti très fort sur le plan de la dramaturgie. Ses jurés sont, notamment, ingénieur, chauffeur de taxi, chirurgien, acteur, cheminot, producteur de télévision, directeur de cimetière... sans compter un ancien officier et un vieil homme juif..., soit un échantillonnage très large de la société russe.  Pour interpréter ces différents rôles, le cinéaste fait appel à un ensemble d'acteurs exceptionnel : Sergueï Makovetski, Sergueï Garmach, Alexeï Petrenko, Mikhaïl Efremov, Alexandre Adabachian, pour n'en citer que quelques-uns. Car les plaidoieries, confessions intimes, reconstitutions de vie vont se succéder tout au long du film, chacun des jurés présentant tour à tour en solo sa partition, sa propre histoire, avec un brio sans égal. Le tout mis en abîme dans ce lieu d'enfermement – le gymnase – qui s'avère un bric-à-brac où s'entassent les objets les plus hétéroclites, où même un piano est barricadé derrière des barreaux !

L'un des objectifs du film est certes  d'interroger le système judiciaire russe et de prôner l'avènement d'un Etat de droit en Russie ; soit une œuvre engagée pour qu'il y ait plus de loi dans un Etat de non-droit. Mais il semble bien que ce ne soit pas l'enjeu fondamental du film, pas plus que le conflit avec la Tchétchénie, qui est ramené au niveau du drame personnel d'une famille et sur lequel Mikhalkov semble ne pas porter de jugement, restant un peu en retrait tout en montrant  la guerre dans  son horreur sanguinaire.

Ce film ne serait-il pas plutôt  l'occasion pour Mikhalkov de dresser un tableau de la Russie post-soviétique ? Un tableau ahurissant qui dévoile en direct tous les "marqueurs" de la société russe (contemporaine ?) – une société nationaliste, intolérante, xénophobe, viscéralement antisémite,  antidémocrate, hostile à la loi, corrompue du bas au haut de l'échelle, et, par-dessus tout le reste, prompte à la haine, baignée de violence, notamment une violence nord-sud inextinguible.

Mais sur cette société, contrairement à l'analyse des médias français, Mikhalkov pose un regard aimant, un regard "de compassion", comme il le dit lui-même. La clé du film est fournie par le personnage du Juste qui, tout au long du film, s'efforce de retourner les jurés un par un, dans l'espoir de sauver le jeune homme. L'idée maîtresse serait donc la rédemption, le salut, au sens chrétien. A l'issue des délibérations, ce personnage revient seul dans le gymnase et range dans son portefeuille, après l'avoir baisée avec dévotion, une image représentant une icône. Puis il libère l'oiseau qui était emprisonné depuis le début du film dans le gymnase (métaphore récurrente et indigeste). Vient alors la phrase-clé du film, la dernière : "La loi est au-dessus de tout. Mais que faire lorsque  la compassion s'avère au-dessus de la loi ?"

 

 

 

 


 

 

Orientations bibliographiques :

Notice créée le 17 Février 2010. Dernière modification le 5 Décembre 2011.

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