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Procès H
(PROCES H)

Film de montage, Tchéquie, 2009, de Martin Vadas, en couleur/noir et blanc, sonore.

Réalisation : Martin Vadas Scénario : Martin Vadas

Production : TELEVISION TCHEQUE (Česká televize) , Tchéquie, 2009

Durée : 520 minutes.

Version originale : tchèque

Résumé :
 Sous ce titre, le réalisateur Martin Vadas retrace l’histoire d’un des grands procès de la période stalinienne tchécoslovaque, celui de « Milada Horáková et Cie ». Le procès  Horáková est considéré comme le premier des « grands procès » intenté aux « ennemis  du peuple » par les communistes tchécoslovaques en 1950. A l’instar des procès à grand spectacles organisés par les Soviétiques depuis les années 1930 (et dont le procès Chakthty en 1928 fournit la matrice), il s’inscrit dans un vaste projet de propagande qui mobilisera la radio, la presse et le cinéma. Au terme des neuf jours du procès qui se solde par 4 peines capitales (et des peines de 15 à 25 ans de prison pour 9 autres co-inculpés), les autorités abandonnent l’idée d’utiliser les images (par crainte de l’empathie envers les accusés qu’elles pourraient susciter) au profit de bandes son dûment filtrées, et de la retranscription abrégée de l’instruction, connue sous le titre de « livre gris », et distribuée à 140 000 exemplaires dans les semaines qui suivirent le procès et l’exécution des 4 condamnés à mort.

 Dans les années 1980, les pellicules sont redécouvertes et mises à l’abri par le directeur actuel des archives cinématographiques. Associées aux sources audio disponibles elles ont permis à un groupe d’historiens de reconstituer une grande partie des audiences du procès. Après 1989, ce témoignage étonnant de la répression des années 1950 donne lieu à un vaste projet documentaire d’une ampleur peu commune. L’entreprise, portée par un documentariste engagé dans la dénonciation des « crimes du communisme » et un groupe d’historiens, aboutit à cette série documentaire de cinq cent vingt minutes. Au delà du document, il s’agit de créer un événement hautement symbolique, la série est diffusée sur la TV tchèque en juin 2009 –  à raison d’un épisode par jour, en signe de commémoration des journées du procès 59 ans auparavant.

Le procès « Milada Horáková“ met en accusation 13 personnes. Il se déroule en 1950 au terme d’une « instruction » commencée en septembre 1949 pour démontrer les stratégies «anti-Etat » de représentants des forces libérales supposés coupables d’une  « conspiration du centre » (englobant plusieurs courants politiques non communistes). Au cours de l’instruction, l’accusation est passée du dévoilement d’activités anti-communistes avant et pendant «le février 1948 », à une collaboration illicite avec les forces de l’exil, et l’impérialisme américain à partir de 1948. Les conseillers soviétiques (Lichatchev et Makarov) ont joué un rôle très important dans la fabrication du procès. Peu à peu s’est construite une trame dite « d’un directoire de la résistance tchécoslovaque » qui aurait regroupé plusieurs courants politiques hostiles aux communistes. Les conseillers ont introduit dans la procédure judiciaire des modalités nouvelles : une plus grande liberté dans la fabrication du chef d’inculpation,  l’usage de protocoles comprenant des questions et réponses préparées (otázkové protokoly), la pratique des interrogatoires continus, « un rapport à la preuve » un peu spécial (aveux).  Le procès fait date par ailleurs en raison du haut degré de coopération entre les instances impliquées : magistrats, policiers, juges. Les archives disponibles permettent de monter la coopération très poussée entre la StB et les instances politiques et judicaires.

Ce procès s’est accompagné d’une campagne médiatique sans précédent. Les séances étaient publiques, avec une audience différente chaque jour. Les séances étaient diffusées en partie par la radio, des films, des ouvrages de propagande. Le public est devenu un acteur à part entière avec l’usage des lettres « spontanées » demandant des peines particulièrement sévères pour les inculpés. La campagne est d’autant plus réussie, qu’elle n’a été encouragée et orchestrée qu’après le début des séances, apparaissant ainsi « émaner réellement des masses ».

A partir du 2e jour, des directives sont envoyées dans les comités régionaux pour utiliser le procès comme une arme idéologique contre l’ennemi intérieur et extérieur. Le chef d’accusation avait été en effet conçu pour servir ces deux objectifs « la réaction alliée à l’impérialisme américain contre la construction du socialisme ».

Le procès est considéré comme le premier procès à grand spectacle de la Tchécoslovaquie communiste. Il fait partie de ces procès montés par les communistes contre leurs adversaires politiques non communistes dans les premiers temps de leur arrivée au pouvoir. Cette épuration touche généralement les partis partenaires des communistes et tolérés dans des « Fronts nationaux », les représentants de la Résistance anti-nazi non communiste, finalement, toute force libérale qui n’a pas encore été visée par l’épuration antérieure des collaborateurs nazis. En Tchécoslovaquie, la scène politique s’est reconstituée au lendemain de la guerre dans des rassemblements partisans, les Fronts nationaux, dans lesquels les communistes ont construit peu à peu leur hégémonie. Ils remportent les élections de 1946 mais ils sont minoritaires en Slovaquie derrière le parti démocrate slovaque qui obtient plus de 60% des suffrages, la question du rapport aux forces politiques « partenaires » dans les Fronts nationaux est en Tchécoslovaquie comme ailleurs, fondamentale. Le procès Horáková s’inscrit bien dans une histoire de l’épuration politique en Tchécoslovaquie, qui a d’abord touché les démocrates slovaques (procès contre les dirigeants du parti démocratique slovaque en 1948), les représentants de la résistance non communiste (comme le général H. Pika, condamné à mort en janvier 1949, ou les Sokols), et plus généralement les représentants des forces libérales en lice aux dernières élections libres de 1946 (procès de J. Podsednik à Brno en mars 1949, 18 ans de prison, co-inculpés + procès annexes). 

 

 

Orientations bibliographiques :

Karel KAPLAN,  Procès politiques à Prague, Bruxelles, Complexe, 1980.

Karel KAPLAN, Největší politický proces. M. Horáková a spol., Praha : Ústav pro soudobé dějiny AVČR, 1995.

Karel KAPLAN,Druhý proces. Milada Horáková a spol.- rehabilitační řízení 1968-1990, Praha : Karolinum, 2008.

KAPLAN, Karel, Karel PALEČEK, Komunistický režim a politické procesy v Československu. Brno : Barrister & Principal, 2008.

FORMÁNKOVÁ, Pavlína, KOURA, Petr,  Žádáme trest smrti. Praha : Ústav pro studium totalitních režimů, 2008.

Proces s vedením záškodníckého spiknutí proti republice. Praha : Levné knihy, 2008. (réédition du « livre gris », version abrégée des minutes du procès diffusée par le ministère de l’Intérieur à fin de propagande après le verdict.)

 

Notice créée le 9 Février 2010. Dernière modification le 1 Août 2012.

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