Reportage ou émission de télévision, Allemagne, en couleur, sonore.
Production : Allemagne
Durée : 90 minutes.
Version originale : allemand, russe
Doublage : français
Débat présenté par Thomas Kausch à l’approche des élections présidentielles en Russie de mai 2008.
Invités : Grigori Yavlinski (président du parti Yabloko), Dimitri Mouratov (directeur de Novaïa Gazeta), Evgueni Fiodorov (député de la Douma pour le parti Russie Unie), Marina Yudenitch (écrivaine et ancienne porte-parole de Boris Eltsine)
Le débat s’articule autour de plusieurs thématiques chacune illustrée par des mini-reportages :
-la question de la liberté de la presse en lien avec la liberté d’expression des candidats de l’opposition dans le cadre de la campagne électorale : la presse indépendante subit une « terreur juridique » qui conduit actuellement à une situation très dangereuse où seuls le journal Novaya Gazeta et la radio Echo de Moscou constituent les seuls représentants du journalisme indépendant et les seules voies possibles d’expression des partis d’opposition ; les médias de masse (les chaînes de télévision) sont quant à eux entièrement contrôlés par l’Etat et assurent la propagande en faveur du parti Russie Unie et de son candidat Dimitri Medvedev ; ces médias ne laissent pas la possibilité à l’opposition de s’adresser à la population et réussissent ainsi à limiter son impact sur l’opinion publique ; pour autant, tous conviennent de la possibilité d’accès à l’information via internet même si cela ne concerne encore qu’une faible minorité.
-l’absence d’une réelle opposition et le simulacre d’élections démocratiques : la nouvelle loi électorale a permis d’éliminer les candidatures des principaux partis d’oppositions, les plus dangereux aux yeux du pouvoir. Pour assurer toutefois un semblant d’élection démocratique, 3 autres candidats font face à Dimitri Medvedev, mais de faible importance. De fait, pour de nombreux politologue il s’agirait davantage d’une nomination que d’une élection, d’autant que Dimitri Medvedev a été clairement désigné par son prédécesseur qui bénéficie d’une large influence sur l’opinion publique. Symbole de ce simulacre et de l’absence d’un réel système démocratique : étant donné l’insignifiance des candidats d’opposition, Dimitri Medvedev refuse tout débat public, au mépris de la société civile.
-la figure de Dimitri Medvedev et la question du partage du pouvoir avec Vladimir Poutine futur Premier ministre : bras droit de Vladimir Poutine depuis leurs carrières politiques à Saint-Pétersbourg, il incarne dans le cadre de cette élection davantage la continuité du pouvoir et de la politique de Poutine qu’il ne s’impose comme une figure politique autonome. Pour de nombreux politologues, il n’a pas assez de marge de manœuvre pour réaliser les objectifs d’indépendance de la justice et de lutte contre la corruption au sein de la bureaucratie, promis lors de ses discours, puisque c’est cette même bureaucratie qui assure son accès au pouvoir. Surtout, Medvedev suivra la politique entamée par Poutine car, jusque là, elle a été approuvée par la majorité de la population. La question reste de savoir si le goût du pouvoir va lui permettre de s’affranchir petit à petit de la tutelle de son prédécesseur.
- la popularité de Vladimir Poutine, du parti Russie Unie, et par là de Medvedev, tient en grande partie à un bilan économique positif : croissance du PIB, augmentation des investissements étrangers, annulation de la dette extérieure, baisse du taux de chômage, augmentation du niveau de vie, lancement de gros travaux. Même si on assiste à une inflation problématique, de manière générale la population s’est enrichie : nouvelle classe moyenne, baisse du taux de population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Pour autant les écarts sociaux se creusent entre une minorité de très riches (38 fortunes se partageant les ¾ de l’économie) et une grande partie de la population qui subit un délitement des infrastructures de bases (chauffage…). Par ailleurs à long terme, le pays ne pourra se suffire d’une économie basée pour l’essentiel sur l’industrie des matières premières. Le nouveau gouvernement se doit ainsi de mettre en place les conditions favorables à l’émergence d’une industrie de transformation et d’une économie de services compétitives au niveau international.
-la nouvelle alliance entre l’Eglise et l’Etat dans le contexte d’un renouveau patriotique : depuis la chute de l’URSS, on assiste à un renouveau religieux avec une croissance exponentielle du nombre de fidèles et de la construction de nouvelles églises. 80% de la population se déclarerait croyante. De fait, l’Eglise a acquis une influence considérable sur la société et l’opinion publique, un pouvoir convoité par le Kremlin qui n’a de cesse de manifester ses liens profonds avec l’institution ecclésiastique de manière à accroître son électorat. L’Eglise est devenue ainsi le nouveau pilier de l’Etat.
L'émission "Théma-Compte à rebours à Moscou" propose également deux documentaires (voir les notices correspondantes) : Meurtres en série au pays de Poutine de Manon Loizeau et Dans le sillage de l'aigle russe de Iossif Pasternak
Alexis BERELOWITCH, Jean RADVANYI, Les 100 portes de la Russie. De l’URSS à la CEI, les convulsions d’un géant, Paris, Ed. de l’Atelier, 1999 ; Timothy COLTON, Transitional Citizens. Voters and What Influences Them in the New Russia, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 2000 ; Marie MENDRAS (dir), Comment fonctionne la Russie ? Le politique, le bureaucrate et l’oligarque, Paris, coll. CERI-Autrement, 2003, 122 p. ; Lilia SHEVTSOVA, Putin’s Russia, Washington D.C., Carnegie, 2003, 306 p. ; Gilles FAVAREL-GARRIGUES, Kathy ROUSSELET, La société russe en quête d'ordre. Avec Vladimir Poutine ?, Paris, coll. CERI-Autrement, 2004 ; Michael McFaul, Nikolai Petrov and Andreï Ryabov, Between Dictatorship and Democracy. Russian Post-Communist Political Reform, Washington DC, Carnegie Endowment for Peace, 2004 ; Kathy ROUSSELET, Les ambiguïtés de la société russe, in L'Économie Politique 2004/1, n°21, p. 35-44 ; Anna POLITKOVSKAÏA, La Russie selon Poutine, Buchet-Chastel, 2005 ; Kathy ROUSSELET, Les grandes transformations de la société russe, in Pouvoirs 2005/1, n° 112, p. 23-34 ; LEDENEVA Alena, How Russia really works: The Informal Practices that shaped Post-Soviet Politics and Business, Ithaca – Londres, Cornell UP, 2006, 270 p.
Notice créée le 19 Juin 2009. Dernière modification le 7 Février 2012.