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1917 : la révolution russe

Film documentaire, France, 2007, de Paul Jenkins, en couleur/noir et blanc, sonore.

Réalisation : Paul Jenkins Scénario : Paul Jenkins, Pierre-André Boutang

Production : France, 2007

Durée : 104 minutes.

Version originale : français

Résumé :

Documentaire qui vise à démythifier la Révolution d’octobre, dont l’importance symbolique prégnante encore aujourd’hui en Russie n'est que le fruit d’une réécriture de l’histoire opérée a posteriori par le pouvoir soviétique. L’ensemble du film aboutit à une véritable mise en accusation de Lénine et du bolchévisme dans le sens des études historiques de ces dernières années sur le système politique soviétique : l’imputation au chef des bolchéviques du rôle fondateur dans l’instauration d'un système totalitaire et dans la mise en place du régime de Terreur, dont Staline ne serait que l’héritier.

Le documentaire est monté selon un plan chronologique et évènementiel classique qui va de la révolution de 1905 à la guerre civile, les ¾ du film relatant les évènements de l’année 1917. Le réalisateur replace les évènements d’octobre dans un contexte politique, socio-économique et psychologique plus général s’étalant des années 1900 aux années 1920, et met particulièrement l’accent sur l’année 1917 et la Révolution de février en reconstituant les différentes étapes des basculements politiques successifs :

-panorama historique de la Russie du début du XXe siècle à 1917 qui vise à montrer que la Révolution d’octobre n’est pas née soudainement des plans des Bolchéviques, mais qu’elle a profité d’un contexte particulièrement propice : tensions et frustrations sociales exacerbées par la misère économique et la famine , le régime autocratique et l’impopularité du tsar Nicolas II, le marasme militaire de la guerre russo-japonaise et de la première guerre mondiale , les tentatives de révoltes réprimées dans le sang en 1905.

-révolution de février 1917 dont l’importance politique est plus importante que ce que l’on pensait à l’époque et que ce qu’en a dit plus tard l’historiographie soviétique : mouvement de révolte spontané venu de la population soutenue par les soldats mutinés, formation d’ institutions de démocratie directe et participative  (le Soviet de Petrograd et autres organisations ouvrières, de quartier etc) et d’un gouvernement provisoire (la Douma) qui cristallisent  l’enthousiasme populaire et les aspirations à la démocratie, figure de Kerenski, abdication de Nicolas II

-difficultés du gouvernement provisoire : montée des tensions entre les deux organes politiques (Douma et Soviet de Petrograd) sur la question de la poursuite de la guerre et de la forme politique à donner au nouveau régime ; chaos militaire avec véritable anarchie dans l’armée (désertions, mutineries), échec des offensives et menaces d’invasion de la capitale par les troupes allemandes ; impopularité grandissante du gouvernement provisoire en raison de son obstination à poursuivre la guerre, et de l'absence de réformes sociales, exacerbée par la crise économique générale. Cette tension, les désillusions et le mécontentement de la population sont alors exploités par l’opposition politique bolchévique (infiltration des organes professionnels etc.)

-la chute du gouvernement provisoire et la révolution d’octobre : deux évènements s’enchainent pour aboutir à la prise du pouvoir par les Bolchéviques en octobre 1917 : la manifestation des soldats et des ouvriers en juillet 1917 dont la répression violente ordonnée par le gouvernement provisoire, si elle permet d’affaiblir le parti bolchévique et d’éloigner Lénine, va définitivement le discréditer aux yeux de la population ; l’armement du Soviet de Petrograd par Kerenski lui-même pour défendre Petrograd menacée par les troupes du Général Kornilov. Lénine, revenu d’exil, est décidé à exploiter la situation à son avantage : choix de l’insurrection au Comité Central du parti bolchévique, organisation par Trotski du Comité révolutionnaire chargé d’organiser l’insurrection, prise de la ville et démission du gouvernement.

-"la véritable victoire des Bolchéviques est d’avoir gagné la guerre civile" et non les évènements d’octobre : c’est à ce moment là que les Bolchéviques s’organisent et créent tous les organes qui vont permettre d’asseoir définitivement leur pouvoir dans toute la Russie (création de la police politique Tchéka et des premiers Goulag, instauration du régime de la Terreur et de l’état d’urgence permanent, mise en place d’une véritable politique de propagande via les institutions culturelles et avec l’aide d’intellectuels et d’artistes etc.)

Le documentaire est particulièrement riche en documents :

-grande quantité d’images d’archives dont certaines rares (): nombreux plans de la famille Romanov, des images du « dimanche rouge » de 1905 (dont plan de la dispersion de la foule par les gardes à cheval), Première guerre mondiale (dont 3 plans de bénédiction des troupes, plans sur des cadavres de civils), révolution de février 1917 (dont plan sur les hommes politiques du nouveau gouvernement provisoire, amnistie suite à l’abdication de Nicolas II avec sortie de prison des prisonniers de droits communs), enterrement officiel des victimes de la révolution (dont plans sur les cercueils dans les fosses, sur le cortège des blessés de guerre), Kerenski, insurrection d’octobre 1917 (dont plan sur un soldat de la garde rouge nettoyant et préparant les armes, plan séquence sur les barricades), exécutions pendant guerre civile, famine (dont plans sur des enfants souffrant de malnutrition, sur la distribution de nourriture), destruction des églises et des icônes.

-extraits de film (Octobre et  Le cuirassé Potemkine d’Eisenstein, La terre de Dovchenko, Okraina de Barnet)

-photographies d’époque (notamment Lénine en exil en Suisse)

-témoignages (Pierre Pascal). Le commentaire est étayé par les interventions de nombreux spécialistes et commentateurs (parmi eux l’écrivain russe Dmitry Bykov, les historiens français Hélène Carrère d’Encausse, Marc Ferro, Jacques-Francis Rolland et Jean-Jacques Marie, les historiens russes Boris Kolonitsky et Alexei Shishov).

Les images d’archives ont essentiellement une fonction illustrative. La très grande abondance des images d’archives semble parfois desservir le film : malgré une volonté d’exactitude scientifique, elles sont souvent mal exploitées (absence de légendes et de commentaires sauf pour les extraits des films d’Eisenstein habilement étudiés et présentés ; utilisation des images comme métaphore du propos tenu dans le commentaire EX. train à toute vitesse pour illustrer l'idée d'un mouvement populaire incontrolable) au point de risquer une décontextualisation voire des contresens (qui ne peuvent être révélés que par une étude sérieuse des documents exploités dans le film).


 

Orientations bibliographiques :

Marc FERRO, La Révolution de 1917, 1) La chute du tsarisme et les origines d'Octobre, Paris, Aubier Montaigne, 1967, 606 p., 2) La Révolution de 1917. Octobre. Naissance d'une société, Paris, Aubier Montaigne, 1976, 517 p ; Rex A. WADE, Red  Guards and Workers’ militias in the Russian Revolution, Stanford University Press, 1984 ; Claudio Sergio INGERFLOM, Le citoyen impossible. Les racines russes du léninisme, Paris, Payot, 1988 ; Marc FERRO, Nicolas II, Paris, Payot, 1990 (rééd. 1991). ; François-Xavier COQUIN, Des pères du peuple au père des peuples. La Russie de 1825 à 1929, Paris, Sedes, 1991 ; Richard PIPES, La Révolution russe, PUF, coll. « Connaissance de l'Est », Paris, 1993, 866 p. ; Hélène CARRÈRE d'ENCAUSSE, Nicolas II, la transition interrompue, Paris, Fayard, 1996 ; В. БУЛДАКОВ, Красная смута, Moscou, 1997 ; Dominique COLAS, Le léninisme, Paris, PUF, Quadrige, 1998, 320 p. ; Orlando FIGES, B. KOLONITSKII, Interpreting the Russian Revolution. The Language and symbols of 1917, Yale University Press, 1999 ; Leopold H. HAIMSON, Russia’s revolutionary experience. 1905-1917, New York, Columbia UP, 2005, 304 p. ; Orlando FIGES, La Révolution russe. 1891-1924 : la tragédie d’un peuple, Éditions Denoël, 2007 (édition originale : A People's Tragedy: Russian Revolution 1891-1924, 1996).

 

voir également pour les images d'archives: Archives brutes sur la Russie de 1914-1917 issues du fonds d'archives Pathé ; Les grands jours du siècle-Octobre de Gilles Delanoy à partir des archives Gaumont ; La Russie avant 1917 et 1917 ; Images d'une révolution de Christopher Andrew (1987) ; La russie que nous avons perdue de Stanislav Govoroukhine (1992) ;  La révolution en couleurs de Ian Lilley (2004)

Notice créée le 30 Avril 2009. Dernière modification le 7 Mars 2011.

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