Documentaire sur la recomposition de l'Asie centrale à l'ère post-soviétique. L'indépendance des anciennes républiques soviétiques a eu pour effet néfaste la réémergence des rivalités nationales, qui débouche souvent sur la fermeture des frontières et l'étranglement économique. Le documentaire  de Gulya Mirzoeva s'ouvre par un exemple flagrant : un bus reliant l'ouest à l'est du Kirghizstan doit, pour emprunter une bonne route, traverser le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Kazakhstan pour rejoindre Bichkek. Le voyage de 800 km d'ouest en est dure 32 heures... en comptant les temps d'attente à chaque  passage de frontière. Ce trajet en bus sert de fil conducteur au film. Les différents interviewés évoquent les anciennes relations de bon voisinage du temps de l'URSS, les mariages mixtes entre musulmans d'une république à l'autre, l'absence de conflits ethniques et expliquent les multiples blocages actuels, notamment par la corruption des douaniers.

Evocation de l'ancienne province historique du Turkestan au Moyen-Age, dont la richesse était liée au commerce pratiqué sur la Route de la soie. Rappel historique de la délimitation des frontières de l'Asie centrale établie en 1924. A l'époque soviétique, les frontières étaient purement administratives. Très bref rappel de la guerre civile au Tadjikistan en 1992 et des "terroristes" dont il fallait entraver le passage. Evocation du trafic de drogue qui serait officiellement lié à l'origine à la fermeture des frontières (mais qui en réalité perdure en empruntant des voies dérivées). Toute exportation est désormais interdite, et le niveau de vie a plongé, même si la contrebande fonctionne à plein. Problème des familles  séparées : la question se pose de particulièrement aiguë entre Ouzbeks et Tadjiks qui partagent des liens forts et dont les territoires actuels s'entremêlent. De nombreux interviewés dénoncent l'absurdité de la situation. Minage unilatéral de la frontière ouzbeko-tadjik par les Ouzbeks en août 2000 dans la région d'Isfara (images d'archives), provoquant des morts du côté  tadjik.

Chaque nouvel Etat s'est inventé depuis l'Indépendance des héros nationaux et s'est réécrit une  histoire nationale pour se forger une légitimité en tant que nouvel Etat-nation. Mais aujourd'hui (2006), conscients que ce courant isolationniste, autarcique mène au déclin, plusieurs des nouveaux Etats seraient en faveur de la création d'une confédération ?

Le documentaire est suivi d'une interview de Jean Radvanyi (12 mn) : la CEI est une coquille vide dans laquelle sont entrées 12 des 15 anciennes république soviétiques (les 3 républiques  baltes ayant choisi de rejoindre l'Union européenne), ou encore une "Commission de divorce à l'amiable" selon les propos de Vladimir Poutine. Evocation des autres organisations qui se sont créées, telle l'Organisation de Shangaï. A la différence des Etats du Caucase et des Pays Baltes qui ont lutté pour obtenir leur indépendance, celle-ci a été octroyée aux Etats d'Asie centrale, parfois à leur insu et sans qu'ils s'y soient préparés, ce qui a constitué un facteur supplémentaire de crise. La phase de mouvements nationalistes et indépendantistes, très forte à la charnière des années 1980-1990 serait (en 2006) dépassée.