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Retour à Kotelnitch

Film documentaire, France, 2003, de Emmanuel Carrère, en couleur, sonore.

Réalisation : Emmanuel Carrère Musique : Nicolas Zourabichvili Image : Philippe Lagnier Montage : Camille Cotte

Production : Les Films des Tournelles, Roissy Films, France, 2003

Durée : 106 minutes.

Version originale : français

Résumé :

Construit comme ses romans, ce documentaire d'Emmanuel Carrère partage avec eux une caractéristique : il est à la fois irritant et fascinant. Irritant d'abord par son côté faussement bâclé : la voix off, qui court tout au long du film, explique comment le narrateur (le romancier Emmanuel Carrère, qui parle à la première personne) n'avait pas vraiment de sujet et tâtonnait avec ce projet de film. On apprend qu'il est parti une première fois avec une équipe de tournage dans la petite ville de Kotelnitch  – station du Transsibérien située dans la région de Kirov à 800 km au sud-est de Moscou – pour retrouver les traces d'un prisonnier de guerre hongrois qui y avait passé 55 ans, oublié de tous, dans un hôpital psychiatrique ; et en tirer un reportage. L'auteur y a alors rencontré une certaine Ania, jeune traductrice troublante qui chante en s'accompagnant de la guitare. Le mystère sur ses relations avec elle sera entretenu tout au long du film. Puis Carrère est reparti une deuxième fois à Kotelnitch pour faire un film sur Ania. Entretemps, celle-ci s'était mariée avec un mystérieux agent du FSB et avait eu un enfant. Enfin, dernière étape, il apprend qu'Ania a été assassinée sauvagement avec son bébé. Il retourne alors une troisième fois pour  assister à la cérémonie du 40e jour après l'enterrement. C'est cette phase finale qui constitue la trame du film, nourrie de flash backs des deux voyages précédents. De fait, au-delà de la simplicité apparente de la narration, et très loin du bricolage annoncé à partir de trois bouts de rushes, le montage du film est extrêmement sophistiqué. On a bien affaire à une œuvre très élaborée, aussi complexe que son narrateur.

Un deuxième motif d'agacement est l'exploitation savante du mystère, de la fuite, du fantasme de la Russie-pour-Occidentaux, de la mise en scène de soi, de la quête dite et redite des racines russes dont l'auteur fait son fond de commerce, avec la mère, et le grand-père... Rebelote en 2007, lorsque Carrère reprend dans son ouvrage, Un roman russe, toute la trame de l'histoire d'Ania (plus la sienne) en la réinsérant dans une autre intrigue.

Alors pourquoi un tel succès ? Ce film révèle sans doute un véritable talent de cinéaste car il ne laisse pas de repos, l'image est lancinante, et, dès le premier visionnage, Kotelnitch – nom de nulle part – rejoint, que ce dernier le veuille ou non, le patrimoine imaginaire obsessionnel du spectateur.

 

 

Orientations bibliographiques : Emmanuel CARRÈRE, Un roman russe, P, P.O.L, 2007 ;

Notice créée le 2 Février 2009. Dernière modification le 14 Septembre 2011.

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