iconothèque Retour au site de l'EHESS Site du CNRS Site du CERCEC

Vodka, produit national n°1
(WODKA NATIONALPRODUKT Nr. 1)

Film documentaire, Allemagne, 2004, de Alexei Khanutin /Khanyutin, en couleur, sonore.

Production : Allemagne, 2004

Durée : 60 minutes.

Version originale : allemand

Sous-titres : français

Résumé :

Dans le style du documentaire à thèse cher aux Russes, Alexeï Khanioutine, qui avait réalisé jusque-là des films très sobres (sans jeu de mots) et dénués de la propagande très lourde qui plombe celui-ci, assène d’emblée ses présupposés : la vodka — symbole et mythe national en Russie, moteur à la fois de l’économie et de la politique, ressort invisible des bouleversements les plus importants de la Russie ; la vodka — fondement de la vie russe, clef de voûte de la stabilité sociale et de la paix du régime.
Le film propose un arrière-plan historique du rapport des Russes à la vodka. Depuis cinq siècles en Russie, tout ce qui touche à la vodka est affaire d’État. Le gouvernement russe en a toujours sévèrement réglementé la vente. Au cours des quatre derniers siècles, les bénéfices du monopole de l’alcool auraient constitué jusqu’à 40% du budget national. Le film présente un aspect nouveau : conscient que la violence éthylique échappe à son contrôle, l’État russe aurait toujours tenté sans succès de réprimer l’ivresse publique. En 1914, après la mobilisation générale, Nicolas II interdit aux cafés d’État de vendre de la vodka : la conséquence immédiate est que les recettes budgétaires diminuent d’1/3, que l’inflation explose, l’approvisionnement alimentaire a des ratés, et que partout se multiplient des distilleries clandestines produisant du samogon. La prohibition de l’alcool restera officiellement en vigueur jusqu’à la fin de la guerre civile en 1922. En 1928, la vodka redevient la principale ressource de l’État, quoique le gouvernement lance sa première campagne contre l’alcoolisme en 1928 la même année (images d’archives des ligues de sobriété). Enfin l’une des premières mesures de Gorbatchev ouvrant sa politique de perestroïka sera l’ annonce le 17 mai 1985 des mesures contre l’ivrognerie et l’alcoolisme. L’échec de ses réformes serait dû, selon l’auteur du film, à cette initiative. Pour finir, on découvre la vodka “Poutinka”.
Le fil conducteur du film est ensuite le portrait de trois Russes qui s’adonnent à la boisson. Le cinéaste, par leur intermédiaire, avance plusieurs arguments pour légitimer la consommation de vodka : 1) il serait plus facile de signer un contrat si les deux parties boivent ensemble, car celui qui s’y refuse a, dit-on en Russie, quelque chose à cacher (”l’homme ivre dit ce que le sobre pense”, selon le proberbe) ; 2) la continentalité du climat, qui rend les rapports humains très durs, encouragerait la consommation de vodka qui rapproche les gens ; 3) l’homme russe, lorsqu’il dessaoûle, voit la réalité telle qu’ elle est réellement, ce qui présente un danger pour tous les gouvernements, quels qu’ils soient ; 4) la consommation de vodka est un mode de résistance du peuple russe au gouvernement qui lui demande ‘le maximum” ; celui-ci répond “absent” en s’enivrant. 5) Boire évite de recourir au psychiatre.
Avec ce film, on plonge à nouveau en plein dans ‘l’idée russe” et la “russitude”. Mais la forme du film est par moments très belle, proche par son formalisme de l’avant-garde dans certains fondus-enchaînés.

Orientations bibliographiques :

Marie-Rose RIALAND, L’alcool et les Russes, P, Institut d’Études Slaves, 1989 ;Alexis BERELOWITCH, Jean RADVANYI, Les 100 portes de la Russie. De l’URSS à la CEI, les convulsions d’un géant, P, Ed. de l’Atelier, 1999 ; Ирина ТАКАЛА, “Cui bono ? Или к вопросу об особенностях алкогольной политики советской власти”, in Тимо ВИХАВАЙНЕН (рук.), Советская власть - народная власть ? Очерки истории народного восприятия советской власти в СССР, СП, Европейский дом, 2003, с. 141-161 ;

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 31 Octobre 2008.

© 1985-2008 EHESS, CERCEC, CNRS — Réalisation : CERCAccès réservé