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Terre (La)
(ЗЕМЛЯ)

Film de fiction, U.R.S.S., 1930, de Alexandre Dovjenko, en noir et blanc, muet.

Production : VUFKU (Ukraine), U.R.S.S., 1930

Durée : 89 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : français

Résumé :

 La Terre est le cinquième film de Dovjenko, celui qui lui donne son rang de grand cinéaste et le place au même niveau qu’Eisenstein et Poudovkine. L’action se déroule en Ukraine à la fin des années vingt et montre la mise en place de la collectivisation — thème  majeur de la formation de l’État stalinien, aussi bien dans le cinéma que dans la littérature. L’intrigue est simple : un fils de paysan, Vassili, s’appuyant sur une cellule villageoise, organise un kolkhoze. Il obtient un tracteur des autorités de la ville et laboure les terres du koulak au même titre que les terres communes. Constatant que la terre de son père avait été travaillée sans son autorisation, Khoma, le fils du koulak, tue Vassili, espérant provoquer la ruine du kolkhoze. Mais la mort de Vassili produit l’effet inverse : tout le village est en émoi et les paysans se rangent du côté de la collectivisation. Tous assistent à l’enterrement de Vassili, cérémonie revendiquée comme laïque dont le pope est écarté.

La Terre se veut donc un film de propagande en faveur de la collectivisation, un film qui prône la lutte anti-koulak, un film dirigé contre l’Église. Mais, dans le même temps, c’est une œuvre extraordinairement poétique qui délivre une vision  cosmique de la nature et du monde qui relativise l’impact temporel du bolchevisme. Dovjenko célèbre bien la victoire du monde nouveau sur l’ancien mais cette victoire s’enchâsse dans une nature calme, majestueuse, qui poursuit sa ronde éternelle de naissance et de mort. Ce lyrisme à la gloire de « la terrre », comme l’évoque le titre, — terre au sens premier de vie et de mort — est ce que l’on retient visuellement du film. Par conséquent, si le premier niveau de lecture est la propagande à la gloire du nouveau régime, le spectateur réalise en passant au travers de cette gangue qu’elle est greffée artificiellement sur le film et que celui-ci délivre un message qui échappe partiellement au pouvoir.

L’État soviétique est représenté dans le film par deux personnages, le président du soviet rural et un secrétaire de la cellule komsomole. Le président du soviet rural est un personnage totalement effacé, avec un visage aux traits fins, très Ancien Régime, qui ne préfigure nullement l’apparatchik  issu du peuple tel que l’on verra plus tard. Il ne fait que deux courtes apparitions dans le film qui passent  totalement inaperçues. Dans la première, il se trouve avec le secrétaire de la cellule komsomole dans la cellule du soviet rural en train d’expédier les affaires courantes, alors que tout le village est suspendu à la venue du tracteur tant attendu. Le tracteur arrive bel et bien, conduit par Vassili ; mais brutalement il tombe en panne. A ce moment résonne le téléphone dans la cellule du soviet rural. C’est un appel « de la ville » (on n’en sait pas plus) pour vérifier si le tracteur est bien là. Bafouillant, le président du soviet rural n’ose pas parler de la panne. C’est Vassili, le jeune  héros charismatique, qui prend les choses en main et répare le tracteur. Puis il harangue la foule, et c’est à ce moment précis que l’on mesure que c’est lui, le vrai leader du village. Il s’oppose au héros négatif, le fils du koulak. Le message du film passe bien par ces deux personnages :   héros positif, Vassili, versus anti-héros, Khoma, le fils du koulak. Le spectateur est pris dans un système binaire. Sans compter le tracteur qui est déifié. Le rôle du représentant du parti, dans ce cas présent, est subalterne. Le parti ne semble pas constituer encore la figure essentielle, le référent incontournable.

 

 

 

Orientations bibliographiques :

Aleksandr DOVŽENKO, Sobranie sočinenij v 4 t., M, Iskusstvo, 1966-1969 ; L. et J. SCHNITZER, Dovjenko, Ed. Universitaires, 1966 ; Barthélémy AMENGUAL, Dovjenko, Paris, Seghers, “Cinéma d'aujourd'hui", 1970 ; O. ARONSON, "Kinoantropologija Zemli"François ALBERA (dir), “Dossier Dovjenko", Positif, juillet-août 2000, p. 128-143 ; George O. LIBER, Aleksandr Dovzhenko : a life in Soviet film, Londres, British Fillm Institute, 2002 ; Phil CAVENDISH, "Zemlia / Earth", in Birgit Beumers (dir.), The cinema of Russia and the Former Soviet Union, Londres, Wallflower Press, 2007, p. 57-67 ;

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 25 Novembre 2011.

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