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Aiguille (L’)
(ИГЛA)

Film de fiction, U.R.S.S., 1988, de Rachid Nougmanov, en couleur, sonore.

Production : Kazakhfilm, U.R.S.S., 1988

Durée : 81 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : anglais

Résumé :

Rachid Nougmanov, l’un des représentants de la “nouvelle vague kazakh”, a été formé au VGIK à partir de 1984 par Sergueï Soloviev en même temps que Darejan Omirbaev, Serik Aprymov, Ardak Amirkulov, Abai Karpykov et Amir Karakulov. Au tout début des années 1980, le studio Kazakhfilm avait servi de plateforme pour de jeunes cinéastes expérimentaux venant de Moscou, tels Sergueï Bodrov et Soloviev ; c’est dans ce cadre que ce dernier avait sélectionné les jeunes espoirs kazakhs pour les envoyer en formation à Moscou.
En 1988, Soloviev réalise "Assa", et son élève, "L’Aiguille". Nougmanov reprend de nombreux procédés de Soloviev, dont le plus marquant est l’accent mis sur la musique rock et le choix de héros non professionnels , jeunes leaders de groupes rock underground. Le cinéaste débutant réalise un film parfaitement équilibré sur un plan esthétique, dans lequel, contrairement à "Assa", la partie rock s’intègre de manière homogène dans l’action.
Viktor Tsoï, leader fétiche du groupe “Kino”, interprète le héros du film, Moro. Jeune dieu d’une saisissante beauté et d’une force (presque) invincible, ange purificateur, Tsoï /Moro incarne pour la jeunesse soviétique, outre un hymne à sa génération, un espoir de changement, un horizon de pureté, le refus du monde doublement corrompu des adultes et du système soviétique. Tsoï est l'auteur des chansons du film et leur exécutant.
L'action est simple : Moro retourne à Almaty, sa ville natale, pour se faire rembourser les dettes qu’a contractées envers lui Spartak, un jeune truand minable. Le héros retrouve à cette occasion son ancienne amie, Dina. Il réalise rapidement qu’elle se pique à l'héroïne et se trouve sous la coupe d’un médecin, Arthur (interprété par Piotr Mamonov, acteur célèbre notamment des films de Pavel Lounguine) qui a monté un trafic de stupéfiants. Vient alors la plus belle partie du film. Pour arracher Dina à la drogue, Moro l’emmène sur les bords de la mer d’Aral, où ils étaient déjà venus ensemble autrefois. Ils passent une quinzaine de jours dans une maison de pêcheurs en ruines, dans une sorte de retour aux sources où la désintoxication peut s’opérer. Mais, depuis ce temps, la mer a reculé. Des plans magnifiques montrent leurs silhouettes avançant vers l’horizon, l’écran coupé en deux horizontalement entre le sable d’un blanc aveuglant et le ciel d’un bleu intense. Enfin Moro et Dina arrivent à ce bateau échoué qui a servi d’emblème à la désertification de la mer d’Aral. Mieux que tous les documentaires qui reprendront tous cette image flash, Nougmanov cible en une scène, sans un seul mot, l’immense gâchis environnemental perpétré par les Soviétiques. Il s'agit d'un film d'une grande maturité puisque Nougmanov croise l'espoir et le désir de changement de la jeune génération, thématique propre à la perestroïka, avec le problème social du développement de la drogue. A cela, il faut donc ajouter la stigmatisation du lourd héritage de l'URSS. La forme est d'une impeccable sobriété. Le tout constitue l'amorce de ce nouveau courant cinématographique d'Asie centrale, qui va durant quinze ans prendre le relais d'un cinéma russe en perdition. Tsoï mourra dans un accident de voiture en 1990.

(Autres membres du groupe Kino participant aux chansons du film : You. Kasparian, G.Gourianov, I. Tikhomirov, A. Sigle)
Orientations bibliographiques :

Jean RADVANYI (dir.), Le cinéma d'Asie centrale soviétique, P, Cinéma Pluriel /Centre Georges Pompidou, 1991,191 p. ; Peter SHEPOTINNIK, “With Perestroika, without Tarkovsky", in Anna Lawton (dir.), The Red Screen. Politics, Society, Art in Soviet Cinema, Londres-New York, Routledge, 1992, p. 331-339 ; Ludmilla Zebrina  PRUNER, "The New Wave in Kazakh Cinema", Slavic Review, 51 (54), 1992, p. ? ;   G. ABIKEEVA, Kino Tsentralnoï Azii 1990-2001, Almaty, IREX; Cloé DRIEU, Leïla HAMADACHE,"Brève histoire du cinéma en Asie centrale. De la construction de l'URSS aux Indépendances" (article suivi d'interviews), in Missives, 2001 (numéro spécial "Images culturelles de l'Asie centrale contemporaine"), p. 22-60 ; Birgit BEUMERS, "Igla. The Needle", in Birgit Beumers (dir.), The cinema of Russia and the Former Soviet Union, Londres, Wallflower Press, 2007, p. 212-221 ;

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 26 Juin 2012.

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