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Septième satellite (Le) / Compagnon de route
(СЕДЬМОЙ СПУТНИК)

Film de fiction, U.R.S.S., 1967, de Alexeï Guerman, Grigori Aronov, en noir et blanc, sonore.

Production : LENFILM, U.R.S.S., 1967

Durée : 89 minutes.

Version originale : russe

Résumé :

Premier film d'Alexeï Guerman, co-réalisé avec Grigori Aronov. Adaptation d’un récit de Boris Lavrenev. L’action se situe durant la “Terreur rouge”, pendant la Guerre civile, et met en scène un ancien général de l'Armée du Tsar, professeur d'histoire du droit à l'Académie juridique militaire, Evgueni Pavlovitch Adamov. Celui-ci est arrêté par les bolcheviks à l'automne 1918, en tant qu'otage parmi d'autres, tous bons à fusiller. C'est un homme vieillissant, seul, qui se démarque des autres byvšie ("ci-devant"), arrogants, très marqués "Ancien Régime", par son approche plus humble, plus humaine. Il est finalement relâché  par les bolcheviks pour n'avoir participé à aucune forme de violence ni d'injustice. Retournant dans son ancien logement, il réalise que celui-ci a été transformé en appartement communautaire, qu'il n'y a pas de place pour lui.  Après moult réflexions, Adamov  finit par décider de mettre son expérience  au service du pouvoir soviétique. Il se voit proposer un poste dans un tribunal révolutionnaire. Mais les méthodes de jugement expéditives des bolcheviks sont en contradiction avec ses principes de juriste. Il est envoyé au front, emprisonné par l’Armée blanche, il refuse de collaborer… A l’aube il est fusillé…(1)

Un des aspects intéressants de ce premier film, par ailleurs laborieux  et qui n’annonce pas la maîtrise des suivants (Guerman dit ne pas en revendiquer la paternité), est de montrer les différentes facettes de la Révolution, ses ambiguïtés, et les interrogations existentielles du héros à ce sujet. il montre déjà le goût du réalisateur pour les héros non conformistes. De fait, Le septième satellite a constitué le premier passage du réalisateur par la censure. Guerman apprendra en effet vingt ans plus tard, au moment de la perestroïka, une fois son coréalisateur décédé, que cette œuvre avait été interdite sans qu'ils le sachent. Toutes les copies avaient été retirées de la circulation sans laisser de traces, même à Lenfilm où le film avait été tourné :

« Et cet acte d'interdiction du film, une rédactrice [du Goskino] me le montre [vingt ans après]. Y figurent vingt ou trente résolutions, dans lesquelles je n'arrive même pas à me retrouver, disant que la Révolution était bafouée dans le film, montrée sous un jour terrible et inexact, et qu'il fallait confisquer le film et ne plus le montrer. [...] Toutes ces résolutions étaient écrites avec des encres différentes, cela signifie que l'acte était constitué d'une, deux, trois, quatre, douze résolutions différentes, chaque fois annotées des deux côtés de la page. On ne pouvait même pas s'y retrouver sur l'acte lui-même. À la fin, il était écrit : 'À retirer de la circulation', et c'était signé : 'Razdorskij, rédacteur au Goskino' » (2).

(1) Le titre énigmatique du film s’expliquerait par une déclaration métaphorique du personnage : “Quand passe une grande planète, les corps plus petits sont attirés dans son orbite”.

(2) Cf. interview de Alexeï Guerman par Martine Godet, La pellicule et les ciseaux..., voir infra.

Orientations bibliographiques :

Aleksandr LIPKOV, German, syn Germana, Moscou : Kinotsentr, 1988 ; Giovanni BUTTAFAVA, “Alexei German, or the form of courage”, The Red Screen. Politics, Society, Art in Soviet Cinema, Anna Lawton éd., Londres-New York, Routledge, 1992, p. 275-282 ;  Nancy CONDEE, The Imperial Trace. Recent Russian Cinema, Oxford-Londres, Oxford UP, 2009, 352 p. (ch. 7 : "Aleksei German: Forensics in the Dynastic Capital", p. 185-216 ; voir aussi la note 9 [p. 291-292 qui explicite l'ambiguïté résidant dans le double titre du film]) ; voir une interview d' Alexeï Guerman ainsi qu’une étude de la trajectoire du cinéaste dans : Martine GODET, La pellicule et les ciseaux. La censure dans le cinéma soviétique du Dégel à la perestroïka, P, CNRS Editions, 2010, 308 p. [thèse : 2000] ;

Sur Alexeï Guerman, voir aussi le documentaire d'Alexandre Pozdniakov, Guerman. De l'autre côté de la caméra (2009) [Fonds Iconothèque russe et soviétique].

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 10 Février 2012.

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