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Voleur et l'enfant (Le) / Voleur (Le)
(ВОР)

Film de fiction, France-Russie, 1997, de Pavel Tchoukhraï, en couleur, sonore.

Production : NTV-Profit, Productions Le Pont, Roissy Films (partic. Goskino, CNC, Canal +), France-Russie, 1997

Durée : 98 minutes.

Version originale : russe

Résumé :

1952. Tolian, voleur professionnel au physique avantageux, se fait passer pour un officier démobilisé. L'uniforme fait illusion. Dans un train, il fait la connaissance d'un jeune garçon, Sanka (6 ans), et de sa mère totalement désemparée, Katia, qui ne sait où aller. Le père de l'enfant est mort à la fin de la guerre, avant sa naissance. Tolian séduit la jeune femme et lui propose de le suivre. Accompagné de Katia et du petit, Tolian profite de l'apparence d'une famille "normale" et de son uniforme usurpé pour reprendre ses activités criminelles sans éveiller l'attention. De vol en vol, la déchéance est au bout de la route, avec in fine, l'arrestation et le départ en camp de Tolian.

Le film est tourné du point de vue de l'enfant : la voix de Sanka devenu adulte (48 ans) raconte en voix off tout le ressenti du jeune garçon. Depuis la souffrance liée à l'absence paternelle et les visions oniriques du père mort à la guerre ("l'ombre du soldat"), en passant par l'hostilité violente envers celui qui a volé l'identité de ce père, Sanka passe progressivement à une forme de camaraderie avec ce truand qui lui inocule à la dure les règles du Milieu. Jusqu'à l'acte libérateur de son adolescence. "Passé douloureux, familles éclatées, pères tyrans ou usurpateurs"– note Françoise Navailh.

Pavel Tchoukhraï offre, en 1997, une représentation tout en finesse de la période de la fin de l'après-guerre. Sa reconstruction de l'atmosphère, de la vie quotidienne du début des années 1950, en particulier dans les appartements communautaires, est extrêmement élaborée. Dans une analyse du film publiée par la revue Iskusstvo kino en 1998, Lev Anninskij note que la similitude avec une période antérieure s'arrête là : il n'y a, dans Le Voleur, ni héritage des šestidesjatniki sous forme d'introspection et de monologues intérieurs, ni sinistrose ou tchërnoukha évoquant la perestroïka, mais un film au rythme rapide, qui repose sur des motivations claires, avec un enchaînement logique de l'action, enfin un choix et une direction d'acteurs impeccable. Avec une scène de sexe, courte, remarquablement tournée.

A propos de l'acteur principal, Lev Anninskij observe l'émergence, dans le cinéma post-soviétique, d'acteurs au physique différent, tel Vladimir Machkov qui interprète ici le rôle de Tolian, ou encore Oleg Menchikov et Sergueï Makovetsky, dans d'autres films à succès. Soit des héros de films qui sont des criminels, pour autant que cette représentation est ancrée dans la société russe et soviétique ("Qu'est-ce qu'on fait en Russie ?", demandait déjà Karamzine à la fin du XVIIIe siècle. Réponse : "On vole"), mais qui portent sur le visage un air d'honnêteté. Soit une nouvelle approche d'un héros négatif au masque d'ange. Anninskij ajoute que le film est "cloné d'après les codes de l'affiche soviétique", mais qu'on y a "injecté le poison de l'impunité contemporaine", c'est-à-dire de l'impunité post-soviétique.

Selon Anninskij, enfin, dans ce film, Pavel Tchoukhraï (né en 1946), fils de Grigori Tchoukhraï, "s'appuie" sur son père : "l'artiste engendré par l'époque de l'anéantissement du pouvoir soviétique, qui a tenté de comprendre ce qui faisait tenir les gens sous ce régime, s'effondre dans l'amertume de l'homme des années soixante. C'est cela, le vrai final du film, un final béant – béant de désespoir".

 

 

 

Orientations bibliographiques :

Elena ZUBKOVA, Russia after the War: Hopes, Illusions and Disappointments. 1945-1957, Armonk (NY), Sharpe, 1998, 239 p. ;

"Лев Аннинский: Достояние обворованных" [L'apanage des dépouillés], Искусство кино, 1, 1998, <http://kinoart.ru/1998/n1-article4.html> ; Françoise NAVAILH, "Le cinéma des années 1990-2000. Images disperséees", in Marc Ferro, Marie-Hélène Mandrillon (dir.), Russie, peuples et civilisations, Paris, La Découverte, 2005, <http://www.kinoglaz.fr/films_1990-2000.php> ;

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 23 Mai 2012.

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