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Coursier (le) / Garçon de courses (Le)
(КУРЬЕР)

Film de fiction, U.R.S.S., 1986, de Karen Chakhnazarov, en couleur, sonore.

Production : Mosfilm, U.R.S.S., 1986

Durée : 88 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : français

Résumé :

L'influence de l'Occident, honnie du pouvoir soviétique, se manifeste chez la jeunesse russe des années 1970-1980 à travers le goût pour le rock, l'habillement à l'occidentale, un engouement pour tout ce qui vient de l'Ouest assorti d'un mépris pour ce qui est fabriqué en URSS. Elle est perceptible également à travers le développement des bandes de jeunes, du phénomène underground, etc. Toutes ces manifestations extérieures sont le reflet d'une évolution des mentalités qui glissent de la désidéologisation – celle-ci ayant pris sa source au moment du Dégel – vers un individualisme forcené.

Un film montre bien ce glissement, quoique de manière caricaturale. Le Coursier est un immense succès du box-office soviétique. Son héros est l'incarnation parfaite de la génération des jeunes Soviétiques des années 1980. Conçu à la fin de la période de stagnation dont il décrit l'atmosphère "sûrie", le film met en scène avec éclat ce problème de la désidéologisation des jeunes. Ivan assiste, au tribunal, au divorce de ses parents. Nul en classe, il rate son exament de fin d'études. Sa mère lui trouve un petit boulot de coursier dans une revue littéraire. Chargé de porter un manuscrit chez un professeur d'université (qui fait partie de la nomenklatura – beau quartier, bel immeuble, superbe appartement), Ivan repère immédiatement la différence de statut social et, d'une manière assez veule, le profit qu'il peut tirer de la situation : il va multiplier les provocations à l'égard du père pour intéresser la fille (jolie), car il a remarqué que son culot l'amusait.

Le film construit un modèle de clivage des générations. D'un côté, Ivan est un "représentant typique de la jeunesse moderne : mélange de nihilisme et de goujaterie, qui tourne tout en dérision" (c'est le jugement que porte sur lui le professeur d'université). De l'autre, le père, qui appartient à la race des "mandarins", a flairé l'arrivisme du jeune homme et l'a aussitôt pris en grippe. Un père nanti qui demande au nom de sa génération "pour qui nous avons vécu et lutté, en quelles mains nous laissons notre édifice", etc. Ces interrogations sonnent faux car il fait partie de la génération intermédiaire qui n'a pas fait la révolution, mais a eu accès à la nomenklatura en tant que "fils de". Chakhnazarov le montre arrogant aux yeux du spectateur, faisant basculer du même coup la sympathie vers le jeune homme.

A cette question sur les principes existentiels, la jeune génération répond, par la bouche d'Ivan,en briguant uniquement des biens matériels – un bon salaire, un appartement dans le centre et une datcha aux environs" – et en rejetant radicalement la notion de travail. Cette occidentalisatioin des valeurs va jusqu'à l'embourgeoisement car Ivan prétend crânement avoir une autre solution pour réussir dans la vie sans travailler : séduire la jeune fille et l'épouser. Puisque le père a des relations et pas mal d'argent, il pourra faire entrer Ivan à la fac, plus tard lui trouver une bonne place, et leur acheter un appartement. De son côté, la ravissante Katia, qui arbore un sweat-shirt où la marque occidentale Adidas figure en lettres énormes, prend plaisir à provoquer son père en lui disant qu'elle "rêve d'être très jolie, de plaire à tous les hommes", qu'elle veut "rouler dans une belle voiture de sport avec un châle rouge autour du cou, un auto-radio et un petit chien sur le siège avant". Il est évident que Chakhnazarov s'amuse et bascule dans une satire volontairement caricaturale de cette jeunesse qu'il s'est pourtant employé  à montrer sympathique. La réception du Coursier auprès du public soviétique est la preuve que le cinéaste a touché jute dans son analyse et que le phénomène d'occidentalisation de la jeunesse, quoiqu'occulté par le pouvoir, est extrêmement puissant à la fin de l'époque brejnévienne.

Conflit de générations dans l’URSS des années 1985 montrant l'évolution des mentalités qui glissent de la désidéologisation de la jeunesse soviétique vers une occidentalisation des valeurs et un individualisme forcené. Immense succès du box-office soviétique : 6e place en 1987. 31,9 M spectateurs

Orientations bibliographiques : Numéro  consacré à  la jeunesse dans le cinéma, Aspects du cinéma soviétique (revue publiée par l'Association France URSS), n° 7, 1985, 47 p. + filmographie ; numéro sur la perestroïka au cinéma, Aspects du cinéma soviétique, n ° 9, 1987/1988, 79 p. ;

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 4 Mars 2011.

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