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Été froid de 53 (L’)
(ХОЛОДНОЕ ЛЕТО 53ЕГО)

Film de fiction, U.R.S.S., 1988, de Alexandre Prochkine, en couleur, sonore.

Production : Mosfilm, U.R.S.S., 1988

Durée : 96 minutes.

Version originale : russe

Résumé :

 Ce film fit l'effet d'une bombe à sa sortie en 1988, en pleine perestroïka, parce qu'il abordait un thème encore largement tabou, celui du traitement des prisonniers de guerre par le régime soviétique. Le genre est celui d'un véritable western made in USSR. L'action de déroule à l'été 1953 dans un petit village isolé de Sibérie relié au monde uniquement par un fleuve. Staline est mort en mars de la même année et Beria a fait voter en mai une amnistie pour les "droit commun". La société est déstabilisée par la mort du vojd' et  la période de flottement qui s'ensuit. Le film commence au moment où la nouvelle de l'arrestation de Beria parvient juste au village. Une bande de dangereux criminels amnistiés, après avoir attaqué un convoi transportant de l'or, se cache dans le village et va terroriser les habitants. Ces derniers vont être défendus par deux anciens détenus politiques qui, eux, n'ont bénéficié d'aucune remise de peine, et purgent ici leur assignation à résidence (pour encore 5 ans) après avoir fait leur condamnation en camp. Ces deux hommes ont été arrêtés pour deux motifs bien différents. Le premier, surnommé Louzga, est prisonnier de guerre. Ancien  éclaireur sur le 1er front front biélorusse pendant la guerre, il a été coupé de son unité, puis considéré comme un traître. Il a écopé de la condamnation maximum. Justicier à l'âme bien trempée, il a perdu toute illusion sur le pouvoir soviétique mais conservé ses qualités humaines. C'est lui le héros du film (interprété par Valéri Priemykhov). Le deuxième, Kopalytch, a un profil tout autre. Ingénieur en chef en mission à l'étranger, il a été arrêté en 1939 sous l'accusation d'espionnage à la solde des Anglais, puis déporté. Il est interprété par l'acteur très populaire Anatoli Papanov, dont c'et le dernier rôle. Bien qu'il s'agisse de deux déportés politiques, leur rapport au régime est totalement différent. Kopalytch conserve une forme d'aveuglement quant aux crimes du régime.

L'Eté froid de 53  a été vu par 64 millons de spectateurs en une seule année  en URSS (puis acheté par 42 pays). Ce score exceptionnel pour un film russe prouve que le film a pris dans la conscience des spectateurs une certaine place due au besoin de l'opinion publique d'un dialogue sur le sujet, alors que les officiels n'y étaient encore prêts (la commande initiale de Mosfilm au réalisateur portait sur un film policier sans allusions à 1953).

Orientations bibliographiques :

Peter SHEPOTINNIK, “With Perestroika, without Tarkovsky", in The Red Screen. Politics, Society, Art in Soviet Cinema, Anna Lawton éd., Londres-New York, Routledge, 1992, pp. 331-339 ;

Marc ELIE, "Les politiques à l'égard des libérés du Goulag. Amnistiés et réhabilités dans la région de Nobosibirsk, Cahiers du Monde Russe 47/1-2, Janvier-juin 2006, p. 327-348 ; id., "Les anciens détenus du Goulag : libérations massives, réinsertion et réhabilitation dans l'URSS poststalinienne, 1953-1964", thèse d'histoire, EHESS, 2007 ; Miriam DOBSON, Khrushchev's Cold Summer. Gulag Returnees, Crime, and the Fate of Reform after Stalin, Ithaca, Cornell UP, 2009, 264 p.

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 17 Juin 2009.

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