Oh ! vous, mes oies ! est le premier film de Lidya Bobrova,  d'après un scénario de fin d'études que la cinéaste a eu beaucoup de mal à mener jusqu'à la réalisation. L'action se déroule à la fin de l'époque brejnévienne et donne à voir la paupérisation et la dégradation d'une famille de la province russe éloignée. Oh ! vous, mes oies ! pointe le décalage entre l'enthousiasme officiel de l'URSS pendant les Jeux Olympiques de 1980 et la misère quotidienne des habitants ravagés par la vodka artisanale. Avec une "truculence populiste" qui évoque celle du réalisateur Vassili Choukchine (selon Marcel Martin, voir infra), Bobrova brosse le portrait de "trois frères qui ont connu la prison et pour qui beuveries et chansons constituent l'essentiel d'une joie de vivre passablement amère". Une histoire  simple, un style épuré, poétique, métaphorique, l'utilisation du noir et blanc,  le tout dégageant une nostalgie un peu "rétro", portent plus juste que tous les discours sociologiques. De fait, ce film séduit aussi par l'atmosphère de la vie quotidienne sous Brejnev qui en émane. La musique est composée exclusivement de chansons populaires de l'époque accompagnées à l'accordéon (sans précisions au générique). Le film est porté par un ensemble d'acteurs exceptionnel, notamment Nina Usatova.

Après un long temps de latence, Bobrova finit donc par réaliser son film en 1991, en plein feu – un peu déclinant déjà – de la glasnost. Mais ce qui fait l'originalité, et la fraîcheur, de Oh ! vous, mes oies ! , est que, précisément, ce n'est pas un film de la perestroïka. Violence, pornographie, mafia, drogue, sinistrose, mise en scène laborieuse du passé stalinien –  de tous ces éléments inconditionnels du cinéma de la perestroïka, on ne trouve aucun dans le film. La raison en est peut-être que la longue gestation de ce dernier s'est effectuée à l'époque précédente.