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Garde (La) / Corps de garde
(КAРAУЛ)

Film de fiction, U.R.S.S., 1989, de Alexandre Rogojkine, en couleur/noir et blanc, sonore.

Production : Studio Lenfilm, Unité Ladoga, U.R.S.S., 1989

Durée : 80 minutes.

Version originale : russe

Résumé :
Film sur le bizutage dans l’armée, inspiré d’une affaire criminelle réelle. En 1973, un jeune soldat en service dans un train de transfert de prisonniers a fusillé tous les membres de la garde.
La Garde, film du réalisateur Aleksandr Rogojkine de Lénigrad est sorti en 1989 et a été présenté, à plusieurs festivals étrangers, et notamment à celui de Berlin-90, comme un représentant de qualité du cinéma de l’époque de la perestroika et de la glasnost.
Le scénario de Ivan Lochtchilin a attendu pendant 10 ans dans les couloirs de la censure. Il relate les événements de 1973. Et pourtant l’affaire Sakalaousk n’était pas la première du genre, mais elle fut la première révélée. Ainsi est né La Garde. Chaque semaine des trains, véritables prisons sur rails, sous haute surveillance sillonnent le pays. Certes le pays est grand et les condamnés sont des millions. La vie quotidienne dans ces trains spéciaux est décrite avec la précision d’un documentaire. Même si rien d’exceptionnel n’était arrivé, ce que montre le film de ces prisons roulantes serait déjà effroyable et d’autant plus qu’on a l’impression d’y être présent. La caméra de Valeri Martynov se situe constamment à mi-hauteur et scrute impassiblement tout ce qui se passe. Les images en noir et blanc viennent exprimer le débordement du blanc-sale, de la grisaille, de la fumée, du noir-asphalte. L’œil en est fatigué, comme asservi. L’espace étroit, derrière les barreaux est sans échappatoire.
Chaque wagon vu par la camera est plein de personnages vêtus de l’uniforme noir des prisonniers, vus de dos et sans visages. En revanche on peut voir à loisir les soldats et officiers de la garde. Pour eux sont prévus des pauses, quand le train roule et que tout est calme.
Dans un compartiment spécial un fonctionnaire est de service. Il ne fait son apparition dans le wagon qu’en cas de problème grave. Il faut surtout ne pas se mêler des relations entre ses subordonnés, ne rien voir, ne rien entendre. Il respecte littéralement cette consigne : la porte de son compartiment est toujours fermée et il a constamment des écouteurs aux oreilles. Triste figure du mélomane amateur de musique classique populaire en uniforme militaire (joué par l’acteur Alekseï Bouldakov). Tous les autres ne se distinguent que par leur grade et leur ancienneté. La loi du bizutage s’applique ici dans toute sa rigueur.
Parmi les soldats nouvellement recrus se détache l’un d’eux : atypique, à l’allure non sportive ; son nom est Iveren (« copeau » en lituanien). Le rôle est joué par un acteur non professionnel – Sergueï Kouprianov – qui est compositeur, poète, auteur de chansons, directeur de l’ensemble « Iveren ». Ce n’est pas un rôle qu’il joue, mais une épreuve qu’il vit : stoïcisme psychologique, résistance physique, disponibilité à la tragédie.
La Garde est le troisième film important d’Aleksandr Rogojkine qui a terminé ses études au VGIK dans la chaire de A. Guerassimov. Il est rapidement devenu un maître du cinéma et un artiste de large envergure.
Irina Grachtchenkova. Encyclopédie du cinéma "Kirill i Mefodi".
Voir une interview de Rogojkine à propos du film dans l'émission de télévision phare de la perestroïka "La 5e roue" (F5KM)
Orientations bibliographiques :

Андрей КУЗНЕЦОВ, Ольга ХРУСТАЛЕВА, "На караул", Сеанс, n° 1, 1990, p. ? ; Catalogue de Sovexportfilm, 1990-1991, p. 42-43 ;

Thierry MALLERET, Murielle DELAPORTE, L'armée russe face à la perestroïka, Bruxelles, Complexe, 1990, 303 p. ; Robert BARILSKY, The soldier in Russian politics: duty, dictatorship and democracy under Gorbatchev and Yeltsin, Londres, Transaction Books, 1998 ; Françoise DAUCÉ, L’État, l’armée et le citoyen en Russie post-soviétique, Paris, L’Harmattan, 2001, 299 p.  ; id., “Russie : l'armée en mutation" (dossier), Courrier des pays de l'Est, n° 1022, février 2002 ; Aleksandr GOL'C, Armija Rossii : 11 poterjannyh let, M, Zaharov, 2004, 222 p.;  Serguei Alex OUSHAKINE,  The Patriotism of Despair. Nation, War, and Loss in Russia, Ithaca, Cornell UP, 2009, 299 p.

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 5 Octobre 2012.

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