Film de fiction, U.R.S.S., 1941, de Mikhail Kalatozov, en noir et blanc, sonore.
Production : LENFILM, U.R.S.S., 1941
Durée : 89 minutes.
Version originale : russe
Le film relate les exploits du célèbre pilote d'essai Valéri Tchkalov, qui réussit en 1936, avec un équipage composé de G.F. Baïdakov et A.B. Beliakov, un vol sans escale Moscou-Extrême-Orient soviétique (presqu'île du Kamtchatka), soit plus de 9 000 km, ce qui lui valut le titre de Héros de l'Union soviétique (1936). En 1937, avec le même équipage, il effectua un autre vol de longue distance sans escale, Moscou-Vancouver (soit le premier vol transatlantique) en passant par le Pôle Nord. Il mourut en 1938 au cours d'essais en vol.
Jay Leyda évoque, dans son ouvrage Kino. Histoire du cinéma russe et soviétique, la genèse du film : "... C'est de Leningrad [...] que vinrent les deux premières surprises de 1941, Valeri Tchkalov de Kalatozov et Les amies sur le front d'Eisimont. Kalatozov était revenu à la mise en scène avec Vaillance, présenté en août 1939. Ce film le familiarisa avec un sujet nouveau pour lui, l'aviation, et l'incita à traiter ensuite de la carrière aérienne de feu Valeri Tchkalov ; on devait l'idée du film au co-pilote Boidoukov et son scénario à Tchirskov. L'armée de l'aire collabora sans réserve ; l'aviateur Borisenko et ses collègues rééditèrent les explolts de Tchkalov, dont le rôle fut joué par un nouveau-venu au cinéma, l'acteur de théâtre Vladimir Belokurov, entouré de vétérans de l'écran, comme si Kalatozov avait voulu ainsi faire ressortir l'individualité de ce héros. Outre Staline (Guelovani) on voit Gorki et Ordjonikidze sous les traits de Méjinskin connu par le Professeur Mamlock. Lorsque Tchkalov revient de son vol polaire, il atterrit à Vancouver, Washington (où se trouve un poste militaire commandé par le Général Marshall) ; les Américains que le film croque dans cette séquence sont les plus vraisemblables et les plus sympathiques du cinéma soviétique. Le film exprime l'enthousiasme de Kalatozov pour “le simple fait de voler“ et son estime pour un héros auquel son tempérament causa souvent des ennuis. La photographie de Ginzbourg est simple et dépouillée à l'extrême, alors que Kalatozov encouragea les acteurs à être passionnés, voire exagérément passionnés ; la puissance expressive du film naît peut-être de ce contraste, reflet stylistique du conflit thématique entre la discipline et la passion" [voir infra].
Dans son ouvrage Visions of a New Land. Soviet Films from the Revolution to the Second World War, Emma Widdis note : "Cinema's role in shaping the imaginary geography of the Soviet Union was twofold: it represented the territory, of course, and, perhaps even more importantly, it also offered ways of looking at it. Shifts in attitudes to the territory–the movement between exploration and osvoenie–may be explored through an examination of two models of vision presented in Soviet cinema of the period: the train and the plane. Both represent different ways of looking: they offered different relationships with the space" [voir infra, p. 120]. Après cette introduction au chapitre 5, intitulé "Travelling", l'auteur organise son chapitre en deux sous-parties, respectivement intitulées "Looking out: the train explores" et "Looking down: the plane conquers". Widdis recense dans la seconde section une série de films qui jouent cette fonction de osvoenie par le biais de la conquête par les airs, tels, notamment, Aerograd de Dovjenko (1935), Les Aviateurs de Youli Raizman (1935). Elle montre que le culte du pilote était à son apogée lorsque le fllm de Kalatozov a été réalisé, et que, par voie de conséquence, "the consolidation of the hero was part of a process of symbolic demobilization of the masses during the 1930s. The single hero–unique and extraodinary–became the representative of the nation" [citation p. 135].Et, de fait, Staline (1), le héros par excellence, joue un rôle très important dans le film, ce qui ne semble pas innocent en 1941.
Le film, enregistré à la première chaîne de télévision russe en 1993, était diffusé dans le cadre d'une émission intitulée "Kinopravda ?" (Cinéma-vérité ?), lancée au moment de la perestroïka et animée par Gueorgui Kouznetsov. Cette émission consistait à projeter un film célèbre portant sur un épisode de l'histoire soviétique parfois contesté et à réunir dans un débat en direct, immédiatement après la projection du film, des protagonistes de la période (notamment, ici, Valeria Tchkalova, fille du pilote) et des spécialistes du cinéma soviétique, chargés de répondre aux questions des téléspectateurs.(1) interprété par Mikhaïl Gelovani.
Marcel MARTIN, "Mikhaïl Kalatozov l'inégal", Ecran, n° 15, mai 1973, p. 17 ; Jay LEYDA, Kino. Histoire du cinéma russe et soviétique, Lausanne, L'Age d'Homme, 1976 (trad. française), 533 p., citation p. 415-416 [éd. originale anglaise : Londres, 1960] ; Sur l'œuvre de Kalatozov, voir le documentaire de Patrick Cazals, L'Ouragan Kalatozov, Paris, CNC, 2011 ; Emma WIDDIS, Visions of a New Land. Soviet Films from the Revolution to the Second World War, New Haven-Londres, Yale UP, 2003, 258 p. (ch. 5: "Travelling", p. 120-141, plus spécifiquement p. 134-135) ;
Voir aussi le documentaire de Patrick Cazals, L'Ouragan Kalatozov, Paris, CNC, 2011 ;
Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 5 Juillet 2012.