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Raspoutine, l'agonie / Agonia
(AГОНИЯ)

Film de fiction, U.R.S.S., 1974, de Elem Klimov, en couleur, sonore.

Production : MOSFILM, U.R.S.S., 1974

Durée : 152 minutes.

Version originale : russe

Résumé :

Synopsis : L’action du film débute en 1916. C’est la fin du règne de Nicolas II et le régime impérial est en pleine déliquescence. Tsar, tsarine, ministres sont à des degrés divers sous l’emprise de Grigori Raspoutine, moine aventurier et débauché. L’aura dont jouit ce dernier s’est développée sur le terreau du pressentiment d’un effondrement inexorable de l’autocratie. Agonia met en scène l’ascension de Raspoutine, puis son assassinat par le prince Youssoupov. Klimov voit dans ce fait historique la métaphore de la fin de l’empire russe agonisant depuis la défaite contre le Japon et la révolution de 1905. Des documents d’archives en noir et blanc sur la Russie de 1916, montrant la misère des paysans russes, la guerre, les grèves... sont insérés tout au long de l’action, renforçant l’effet dramaturgique. Le film s’achève par des actualités Gaumont et Pathé de la révolution d’Octobre.
Nicolas II, sous les traits d’Anatoli Romachine, est un tsar faible, débordé, infiniment seul. Le rôle de Raspoutine, démiurge au charisme diabolique, est incarné avec excès par Alexeï Petrenko. L’outrance semble être de fait la dominante principale du film, considéré pourtant par certains comme une fresque grandiose. Si la dimension épique est réelle, le spectateur est noyé trois heures durant sous une débauche version soviétique sans la moindre étincelle d’érotisme, écrasé sous une charge contre l’Ancien Régime peu convaincante à force de caricature. Klimov ne semble pas à l’aise dans cette œuvre échevelée, inachevée et que ne préfiguraient en rien ses deux premiers films, Soyez les bienvenus (1964) et Les Aventures d'un dentiste (1965) .
Les griefs de la censure du Goskino contre le film, outre une représentation trop bienveillante de Nicolas II, furent multliples : le message véhiculé par Agonia était que la Révolution s’était produite par hasard, du fait que l'autocratie et le tsarisme s’étaient gangrenés de l'intérieur ; le rôle du peuple, des masses populaires, n’était pas assez visible (toute l’action se déroule dans des palais), et le parti, censé avoir soulevé ces masses, trop absent. Klimov fut donc contraint, pour réintroduire des scènes de masse qui n’existaient pas, de re-tourner des scènes de manifestations de rue montrant la révolte des masses à Leningrad, puis de les insérer dans le film. Le montage fut effectué si habilement que l’on ne voyait pas de différence entre les actualités Pathé-Gaumont et les « fausses » scènes de masse. Un autre reproche, occulte celui-là, consistait en l’impression diffuse que Klimov avait voulu établir un parallèle entre l’Ancien Régime et le pourrissement du système brejnévien. Les membres du Politburo crurent se reconnaître dans les personnages mis en scène dans le film.
Malgré les modifications effectuées par Klimov, l’autorisation de sortie ne fut pas délivrée, quoique le film n'ait pas été frappé d’interdiction véritable. Aucune copie ne fut tirée. En 1975, au Festival international de Moscou, l’existence d’Agonia, tout comme celle du Miroir de Tarkovski, fut passée sous silence. Ce n'est que quelques années plus tard que la diffusion à l'étranger d’Agonia sera autorisée (sortie en France : octobre 1985), ainsi qu'en Union Soviétique (1985 également). 

Orientations bibliographiques :

John B. DUNLOP, “Russian nationalist themes in Soviet film of the 1970s”,The Red Screen. Politics, Society, Art in Soviet Cinema, Anna Lawton éd., Londres-New York, Routledge, 1992, p. 231-248 ; voir une interview de Elem Klimov dans : Martine GODET, La pellicule et les ciseaux. La censure dans le cinéma soviétique du Dégel à la perestroïka, Paris, CNRS Editions, 2010, 308 p.

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 22 Novembre 2011.

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