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Jeune fille au carton à chapeau (La)
(ДЕВУШКA С КОРОБКОЙ)

Film de fiction, U.R.S.S., 1927, de Boris Barnet, en noir et blanc, muet.

Production : MEJRABPOMROUS / MEŽRABPOMRUS', U.R.S.S., 1927

Durée : 60 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : français

Résumé :
Natacha Korostieleva vit dans la campagne russe non loin de Moscou, avec son grand-père auquel elle est très attachée. Elle fabrique des chapeaux qu'elle livre chaque jour par le train à Madame Irène, commerçante à la capitale. Madame Irène et son mari, obligés par la loi de louer une de leurs chambres, demandent à Natacha d'habiter chez eux. Dans le train, Natacha rencontre Ilia Sneguirev, jeune homme maladroit arrivé de province avec ses paquets de livres et sans domicile. Pour lui permettre d’occuper la chambre qu’elle ne veut prendre chez Madame Irène, Natacha lui propose un mariage fictif qu’Ilia accepte. Les vendeurs de chapeaux dénoncent le faux couple, mais Natacha arrive juste au moment de l’inspection et confirme la légalité de la location. Par ailleurs, les jeunes gens se rencontrent souvent et Ilia essaie en vain de persuader Natacha de vivre vraiment avec lui. Un jour, Nicolaï, le mari de Madame Irène, laissé sans argent par sa femme, paie Natacha avec un billet de loterie correspondant au premier emprunt d’Etat et garde pour lui l’argent destiné à Natacha. Le billet sort au tirage et gagne 25000 roubles. Madame Irène et son mari essaient de récupérer l’obligation, mais Natacha refuse et en constatant que l’amour d’Ilia pour elle est désintéressé, elle accepte de vivre véritablement avec lui. [Le synopsis et les commentaires qui suivent sont repris du site Kinoglaz].

 

Le style du film s’inspire d’une manière très précise des théories chères à Lev Koulechov, qu’on a souvent nommé le « père du cinéma russe ». (…) [Koulechov] développa sa célèbre thèse sur l’importance du montage qui allait à travers Poudovkine et Eisenstein si puissamment marquer le cinéma russe muet (…). C’est également Koulechov qui, dans un de ses écrits théoriques avait proclamé « l’artiste peint au cinéma avec des parois, des objets et des lumières ». Tout le long de La Jeune fille au carton à chapeau on peut trouver l’application des principes de Koulechov, bien que poussée d’une manière moins rigoureuse et radicale que chez les grands maîtres du cinéma soviétique. Barnet fait un usage infiniment plus réduit du gros plan qu’un Eisenstein et on trouve chez lui de nettes influences du théâtre constructiviste, marqué par la géométrie assez dépouillée des décors (…) sans que jamais n’intervienne une stylisation décorative. (…)
C’est dans l’interprétation, sans doute, que l’on trouve les traces les plus nettes du théâtre satirique de l’époque, très influencé par le constructivisme (…) Nous pensons à la singulière gymnastique irréaliste de la servante Marfouka lorsque, sur l’échelle, elle lave la vitrine. Ou encore à l’étudiant transportant le noceur endormi sur son siège (…). Peut-être peut-on y voir aussi quelques réminiscences du cinéma burlesque américain (Harold Lloyd, par exemple, avait été très en vogue dans les années 1920-25 en Russie comme ailleurs).
Ce qui précède concerne les gags, car le jeu proprement dit (mimique, gestes, attitude) semble, avec plus de certitude, s’inspirer d’un autre mouvement d’avant-garde qui groupait Kozintsev, Trauberg, Youtkevitch, Guerassimov et quelques autres, nous voulons dire la Feks (Fabrique de l’acteur excentrique). Cette école prônait, pour les acteurs, un jeu autant que possible éloigné de tout réalisme et poussé à l’extrême dans le sens de l’expression caricaturale. Barnet, de toute évidence, évite systématiquement le naturel, transformant ses personnages en marionnettes un peu grotesques, aux gestes anguleux, tout en donnant beaucoup de relief au caractère de chacun.
Paul Davay. (Extraits d'un texte cité par Le Cinéma russe et soviétique, L’Equerre, Centre Georges Pompidou, 1981)

Le numéro d'avril 1927 de Sovetskij Ekran portait en page de couverture l'affiche où Anna Sten (qui interprète le rôle de Natacha) fait un clin d'œil, avec en surimpression une petite photo de la modiste tenant un énorme carton à chapeau (voir Susan PACK, Film posters of the Russian Avant-Garde , Taschen, 1995, p. 72-73 .

Orientations bibliographiques :

Boris Barnet, Écrits, documents, études, filmographie (réunis par François ALBÉRA et Roland COSANDEY, Locarno, Éditions du Festival international du film de Locarno, 1985, 284 p. ; Myriam TSIKOUNAS, Les origines du cinéma soviétique. Un regard neuf, P, Cerf, Coll. 7e art, 1992, p.103-190 ; Le studio Mejrabpom ou l’aventure du cinéma privé au pays des bolcheviks, catalogue établi sous la direction d’Aïcha Kherroubi avec la collaboration de Valérie Posener, Paris, RMN, Les Dossiers du musée d’Orsay, n°59, 1996, 195 p. ; Roger COMTET, "Pour une lecture russe de La jeune fille au carton à chapeau de Boris Barnett (1927)", "Il était une fois dans l’Est,1917-1991", Les Cahiers de la Cinémathèque, 67/68, pp. 67-73 ; sur la Mejrabpom, voir aussi un documentaire sur Willy Munzenberg (Iconothèque russe) ; Emma WIDDIS, Visions of a New Land. Soviet Films from the Revolution to the Second World War, New Haven-Londres, Yale UP, 2003, 258 p.(ch. 3 : "Decentring", p.76-96).

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 7 Mai 2012.

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