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Nuit de carnaval (La)
(КAРНAВAЛЬНAЯ НОЧЬ)

Film de fiction, U.R.S.S., 1956, de Eldar Riazanov, en couleur, sonore.

Production : MOSFILM, U.R.S.S., 1956

Durée : 78 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : français

Résumé :

Nuit de carnaval (Karnaval´naja noč´), première comédie d’Eldar Riazanov – le cinéaste le plus populaire de Russie – est l’un des films précurseurs du Dégel, l’un des premiers à s’écarter vraiment du stalinisme. Leader de la distribution, il a été vu par 48,64 millions de spectateurs l’année de sa sortie. De jeunes employés d’une grande usine sont chargés par le directeur de la Maison de la culture de préparer  la soirée du Nouvel an. La touche "carnaval" ajoutée au titre du film implique une ambiance de fête, un échappatoire, un dérèglement par rapport à la norme : il s’agira donc d’un événement exceptionnel, et non d’un simple réveillon. Les jeunes se mettent au travail avec talent et enthousiasme, débordant de rires et de vie, sous la direction de Lena Krylova (premier rôle de l’actrice Lioudmila Gourtchenko). Le traitement du film n’a rien à voir avec le réalisme socialiste – on sent les prémices du Dégel avec l’ébauche d’un retour à l’individu, à l’émotion vraie, la mise en scène d’une histoire d’amour privée entre Lena et son amoureux Gricha. Ce qui est nouveau également, c’est le traitement des situations sur le mode de la légèreté et de l’humour, la relativité des valeurs. La chanson joue un grand rôle dans le film, faisant de celui-ci l’héritier des comédies musicales staliniennes de Grigori Alexandrov et d’Ivan Pyriev, mais dans un genre totalement renouvelé.

Néanmoins, la jeune génération se heurte, dans son désir d’innovation, au directeur de la Maison de la culture, le bien-nommé Ogurtsov [cornichon], qui bloque toute initiative novatrice (et qui finira la soirée enfermé dans un placard). Car l’objectif qui sous-tend le film est une critique de la bureaucratie soviétique, d'ailleurs encouragée officiellement à l’époque khrouchtchevienne. S’y ajoute en filigrane celle de l’intervention abusive du pouvoir politique dans le domaine de l’art. Mais le conflit de générations est traité avec drôlerie, arme majeure de Riazanov tout au long de sa carrière. La comédie, même satirique, est un genre très populaire qui échappe davantage que le « cinéma d’auteur » à la surveillance, car moins suspect de subversivité, sans compter qu’il remplit les caisses de l’État, argument non négligeable. Néanmoins, la diffusion de sa satire L'Homme de nulle part (1961) sera quasiment interdite. Cela dit, sous Brejnev, Riazanov échappera  à la censure grâce à l’arme du rire, pour des comédies très critiques, tel Garage (1980).

 

 

Orientations bibliographiques :

Evgeny DOBRENKO, “Soviet Comedy Film: or the Carnival of authority", Trans. Jesse M. Savage, Discourse, 17.3 (spring 1995): 49-57 ; Bernard EISENSCHITZ (dir), Gels et Dégels. Une autre histoire du cinéma soviétique, Paris, Centre Pompidou-Mazzotta, 2002,  notamment p. 172-175 (notice sur Riazanov rédigée par Aleksantdr Derjabin) ; Davic MacFAYDEN, "Karnaval'naia Noch' / Carnival Night", in Birgit Beumers (dir.), The Cinema of Russia and the former Soviet Union, Londres, Wallflower Press, 2007, p. 89-97.

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 13 Janvier 2012.

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