Pour la première fois depuis les années 1920, un film soviétique présente une peinture grotesque de la réalité. Réalisant une adaptation de Dostoïevski (Humiliés et offensés), Alov et Naoumov montrent un univers de despotisme bureaucratique, d'obséquiosité et de flatterie. Satire grinçante, dans un style délibérément extravagant et presque expressionniste (lumières exacerbées, décors de guingois) de la société tsariste où bourgeoisie, administration et armée sont sarcastiquement mis dans le même sac du carriérisme, de la servilité et de l’ivrognerie. Après la mort de Staline, Dostoïevski était redevenu un écrivain accepté, et il devint un moyen d'autoanalyse pour de nombreux cinéastes qui avaient été des figures de proue du cinéma stalinien, Ivan Pyriev en tête. Mais personne n'est allé aussi loin qu'Alov et Naoumov. La caricature étant trop évidente, le film fut immédiatement interdit par les bureaucrates brejneviens et fait partie du corpus des films censurés réhabilités par la Commission des onflits pendant la perestroïka (sortie en 1987).