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Prisonnier du Caucase (Le)
(КАВКАЗСКИЙ ПЛЕННИК)

Film de fiction, Russie, 1996, de Sergueï Bodrov, en couleur, sonore.

Production : Russie, 1996

Durée : 95 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : français

Résumé :

Cette œuvre est basée sur une nouvelle  de Léon Tolstoï (La Captive du Caucase). Pouchkine et Lermontov avaient déjà exploité ce thème "exotique" du Russe fait prisonnier par des Caucasiens "barbares", qui est un classique de la littérature russe. Le cinéaste Leonid Gaïdaï avait  réalisé sur cette trame en 1960  une comédie très populaire en URSS, La Prisonnière du Caucase.

Le film transpose les événements de l'histoire de Tolstoï dans le Caucase contemporain, mais le lieu  n'est, délibérément, jamais spécifié dans le film (le tournage a au lieu au Daghestan). Néanmoins, le spectateur assimile de facto les événements avec la (première) campagne russe en Tchétchénie (1994-1996), même si le tournage a effectivement commencé avant le début des hostilités. Une petite troupe de soldats russes maintenant l’ordre dans le Caucase est attaquée par des rebelles locaux. Les deux seuls survivants sont capturés et retenus par le patriarche d’une ville voisine, Abdul-Murat. Ils doivent être échangés contre le fils de ce dernier, détenu dans une prison russe. Si l’échange ne peut pas être effectué, ils seront exécutés.
Les deux rôles principaux sont tenus par Oleg Menchikov  (Sacha) et le fils de Bodrov – Sergueï Bodrov Jr. –, qui joue le rôle d'Ivan, dans l'un de ses premiers grands rôles. Bodrov Jr. sera ensuite le héros des films Brat et Brat-2 [Frère,  Frère-2] d'Alexeï  Balabanov, devenant l'emblème de toute une génération de jeunes dans une Russie post-soviétique en manque de repères. Le jeune homme mourra en 2002 dans un accident.

Selon Stephen Hutchings (voir infra), plusieurs niveaux d'analyse se dégagent. On trouve tout d'abord une critique de la politique impériale russe dans le Caucase pendant deux siècles. Il s'agirait du premier, et de l'un des rares, films de l'ère post-soviétique tentant une réévaluation honnête et critique de l'héritage impérial de la Russie, à la fois dans ses variantes prérévolutionnaire et soviétique. Bodrov condamne ici clairement l'intervention militaire russe comme menaçant tout un mode de vie. En outre, les Caucasiens (incarnés par leur chef Abdul-Murat) sont présentés sous un jour humain et débarrassés des stéréotypes parfois associés au mythe du "cruel Tchétchène". Cependant –  et c'est le deuxième niveau –, on peut reprocher au film d'encourager une réification exotisée du "bon sauvage", typique de la mentalité impérialiste dont le film est censé se dégager. Enfin, Hutchings propose une troisième lecture, "gender', du film.

Interview de S. Bodrov : “C’est un film sur la guerre dans les montagnes, c’est l’histoire de deux soldats russes faits prisonniers. Le premier qui a traité ce thème est Léon Tolstoï. Quand nous avons eu l’idée de faire ce film, la guerre en Tchétchénie n’avait pas encore commencé. Au moment du tournage, nous avions encore l’espoir que le conflit cesse rapidement. Nous avons choisi de tourner dans la région la plus sûre du Caucase, le Daghestan. Aujourd’hui, cette région est le théâtre d’une véritable boucherie humaine. J’ai toujours considéré que le cinéma ne devait pas se faire l’écho immédiat d’événements aussi importants soient-ils. C’est le rôle, la mission de la presse et dela télévision de coller à l’actualité. Mais que faire lorsque la réalité prise de folie rattrape la fiction ? Qui croira que je voulais faire un film sur une histoire vieille de plus de 150 ans ?”(Interview réalisée en 2002).

 

Orientations bibliographiques :

Sur le film : O. MATTHEWS, "Prisoner of the Caucasus", RUSSIAreview, 15 July, 36 [1996] ; J. ANDREW, "I love you, dear captive": Gender and Narrative in Versions of Prisoner of Caucasus", in S. Hutchings, A. Vernitski (eds), Russian and Soviet Film Adaptations of Literature, 1900-2001: Screening the World, Londres, RoutledgeCurzon, 2005 ;  Stephen HUTCHINGS, "Kavkazskii Plennik. The Prisoner of Mountains", in  Birgit Beumers (dir.), The cinema of Russia and the Former Soviet Union, Londres, Wallflower Press, 2007, p. 223-231; Denise YOUGBLOOD, Russian War Films: On the Cinema Front, 1914-2005, Lawrence (KS) : UP of Kansas, 2007, 319 p., ch. 9, "After the Fall, 1992-2005" [voir section "Afghanistan and the Chechen Wars", p. 206-218] ;

Sur la guerre en Tchétchénie : Anne NIVAT, Chienne de guerre, Paris, Le livre de poche, 1991 ; J.B. DUNLOP, Russia confronts Chechnya. Roots of a separatist conflict, Cambridge, Cambridge UP, 1998 ; Anatoly LIEVEN, Chechnya: tombstone of Russian power, New Haven, Yale UP, 1999 ; Anna POLITKOVSKAÏA, Voyage en enfer. Journal de Tchétchénie, Paris, Robert Laffont, 2000 ; Isabelle ASTIGARRAGA, Tchétchénie. Un peuple sacrifié, Paris, L'Harmattan, 2000 ; Andreï BABITSKI, Un témoin indésirable, Paris, Robert Laffont, 2002 ; Comité Tchétchénie, Tchétchénie. Dix clés pour comprendre, Paris, La Découverte, 2003, 123 p.  ; Anna POLITKOVSKAÏA, Tchétchénie, le déshonneur russe, Paris, Buchet-Chastel, 2003, 185 p. ; Stanley GREENE (photos de / photographe de l'agence VU), Plaie à vif : Tchétchénie 1994-2003, Trolley, 2003, 220 p. ; Frédérique LONGUET -MARX (dir), Tchétchénie. La guerre jusqu'au dernier ?, Paris, Mille et une nuits, 2003 ; Anne NIVAT, La guerre qui n’aura pas eu lieu, Paris, Fayard, 2004 ; A. Le HUÉROU, A. MERLIN, A. REGAMEY, S. SERRANO, Tchétchénie : une affaire intérieure ? Russes et Tchétchènes dans l'étau de la guerre, Paris, Autrement, 2005, 166 p.

Sur la représentation de la Tchétchénie dans l'imaginaire russe : Harsha RAM, Prisoners of the Caucasus : Literacy Myths and Media Representations of the Chechen Conflict, Institute of Slavic East-European Studies, 1999.

Liens : Site du centre russe des droits de l’homme Mémorial : www.memo.ru

Site du Comité Tchétchénie : http://www.comite-tchetchenie.org/

Notice créée le 23 Avril 2007. Dernière modification le 12 Juin 2012.

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