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Soviet Story (The)

Film documentaire, États-Unis, 2008, de Edvins Snore, en couleur, sonore.

Réalisation : Edvins Snore Scénario : Edvins Snore Musique : Raimonds Pauls Image : Edgars Daugavvanags-Vanags, Uvis Burjans

Production : Perry Street Advisors LLC, États-Unis, 2008

Durée : 85 minutes.

Version originale : anglais

Sous-titres : allemand, espagnol, estonien, finnois, français, hongrois, italien, letton, polonais, russe, suédois

Résumé :

Film de propagande à charge contre le pouvoir soviétique. La thèse principale du film stipule l'existence d'une collusion entre l'URSS et l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale ; les crimes perpétrés par l'Union soviétique sont restés impunis puisque celle-ci est sortie victorieuse, mais ils seraient au moins égaux en abomination aux crimes de guerre nazis. Au-delà de la guerre, la charge porte sur l'ensemble de l'histoire russe et soviétique, depuis la Révolution de 1917 jusqu'à la Russie de Poutine.

Les deux images clés, qui déterminent toute l'articulation de la thèse, sont le massacre de Katyn (printemps 1940) et la poignée de main Himmler-Molotov à Berlin (1940). Le film commence par lister les éléments communs au communisme et au nazisme. Le premier serait que chacun des deux régimes fit des millions de morts. Sont évoqués successivement les 10 M de victimes de la Révolution russe et les 7 M de la famine planifiée par Staline en Ukraine (1932-1933). Suit immédiatement une comparaison avec le nombre de victimes juives des Nazis (non indiqué dans le film ; il s'agirait d'une fourchette entre 5 et 6 M de morts). Un deuxième élément  serait la volonté commune aux deux systèmes de créer un homme nouveau (la comparaison porte en particulier sur le culte du corps).

Suit alors une section "théorique" cherchant à mettre en évidence que "seuls les socialistes ont publiquement préconisé le génocide au XIXe et XXe siècles", puisqu'en URSS, il s'agissait de socialistes internationalistes, et dans l'Allemagne nazie, de socialistes nationalistes. Long développement sur Marx, George Bernard Shaw, etc., tendant à prouver que la théorie nazie aurait fait de larges emprunts au communisme.

Puis vient une séquence sur la Terreur stalinienne, comportant une description classique du processus d'exécution (11 M de morts entre 1937 et 1941). La question des quotas qui ne cessent d'augmenter est rapprochée des quotas, du côté nazi, concernant le nombre de Juifs à exterminer. 

En ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale, l'impact porte d'abord sur le Pacte Molotov-Ribbentrop, dont l'initiative viendrait de Staline. Insistance très forte sur la collaboration de l'URSS avec l'Allemagne nazie entre 1939 et 1941. Un autre élément de collusion aurait été une façon identique de traiter les Juifs d'un régime à l'autre. De fait, de nombreux Juifs qui fuirent en URSS pour échapper à Hitler furent remis par Staline entre les mains de la Gestapo. Les Soviétiques transférèrent les Juifs dans le ghetto de Cracovie puis organisèrent leur extermination vers les chambres à gaz. Plus encore, il y aurait eu, entre décembre 1937 et novembre 1938, une collaboration étroite entre la SS et le NKVD, ce dernier servant d'instructeur à la SS et à la Gestapo, notamment pour la construction des camps de concentration. Polémique autour d'un accord de collaboration, écrit ou non, entre NKVD et Gestapo. En ce qui concerne Katyn, ce massacre, perpétré par l'URSS, "ouvrirait" les tueries de la Seconde Guerre mondiale, mais il ne serait pas le seul (Riga, Tartu, Lvov, Minsk...). Evocation de la torture pratiquée par les Soviétiques. Insistance renouvelée sur le fait que les crimes de guerre n'ont pas été perpétrés par la seule Allemagne, mais que ceux imputables à l'URSS n'ont pas toujours été reconnus eu en aucun cas jugés. 

Argument suivant : les 27 M de victimes de la guerre en URSS n'ont pas été tuées que par les Nazis. 1 M de citoyens soviétiques se rallièrent aux Allemands ; Staline déporta une douzaine de peuples à la fin de la guerre (comparaison avec les déportations effectuées par les Nazis).

Enfin, après-guerre, l'URSS ne ferma pas les camps nazis mais continua de les utiliser comme camps de concentration. Elle  pratiqua par ailleurs un "nettoyage ethnique" dans les grandes villes baltes, assurant ainsi qu'une majorité de colons russes occupent ces villes (russification).

La conclusion du documentaire stipule que depuis l'arrivée au pouvoir de Poutine, la Russie continue de suivre les traces de l'URSS. On aurait constaté le même sentiment d'humiliation dans la Russie d'après 1991 qu'en Allemagne après la fin de la Première Guerre mondiale, ce qui constitue un terreau favorable à l'implantation des Néo-Nazis.

La démarche du réalisateur repose sur l'amalgame, le raccourci, la contraction historique, la sortie des événements de leur contexte (particulièrement dans  la section "théorique") ; soit sur un certain nombre de manipulations qui engendrent in fine une falsification de l'histoire. L'instrumentalisation de l'image  est flagrante. On observe  premièrement que le montage des images est partisan : par exemple, à des photos de leaders de l'histoire soviétique (Lénine et Staline) sont associées sans transition des images d'exécutions, d'éclaboussements de sang, de fosses remplies de cadavres. Il y a, deuxièmement, déformation des visages : le Lénine du leitmotiv video du film est menaçant et "fond" sur le spectateur. Il y a aussi trucage : la  célèbre statue de Vera Moukhina, "L'ouvrier et la kolkhozienne", sorte d'emblème de l'URSS, est représentée, minuscule, juchée au sommet d'une énorme montagne de cadavres. Enfin, on note l'insertion d'images subliminales (au début du film, notamment, empalage d'un homme nu sur une perche).

Signalons enfin l'instrumentalisation d'une ou deux séquences d'interviews provenant d'historiens "modérés", la majorité des historiens ou ex-dissident interrogés se trouvant par ailleurs dans le droit fil du discours tenu par le film. Ces séquences très courtes – à peine quelques secondes – sont insérées, "saucissonnées", dans un discours très dur ; ce qui apporte au film la caution des scientifiques en question, alors qu'ils sont interrogés sur un point, soit qui n'est pas ou plus sujet à polémique (la Terreur stalinienne), soit complètement neutre eu égard à l'enjeu du film (l'attitude timorée de l'Europe face à la Russie – dans les années 2000 – du fait de sa dépendance énergétique).

 

Orientations bibliographiques : Timothy SNYDER, Terres de sang. L'Europe entre Hitler et Staline, P, Gallimard, "Bibliothèque des Histoires", 2012, 720 p. ;

Notice créée le 24 Septembre 2012. Dernière modification le 5 Octobre 2012.

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