En 1937, pour célébrer avec éclat le XXe anniversaire de la révolution d'Octobre, Staline décide de lancer une expédition polaire soviétique au pôle Nord : l'exploit que constitue ce qui restera dans les mémoires comme "l'Expédition Papanine" éclipse à l'époque ce que sera plus tard le retentissement  des premiers vols spatiaux. Ivan Papanine, chef de l'expédition, est à l'époque haut-responsable au ministère des Télécommunications avant de devenir explorateur de l'Arctique. Issu d'un milieu modeste, il n'est pas un scientifique. Deux jeunes scientifiques sont de la partie : Pëtr Chirchov, biologiste, et Evgueni Fedorov, météorologiste. Le quatrième membre de l'équipe est l'opérateur radio Ernst Krenkel, d'origine allemande, rompu à ce type d'expédition. Krenkel est attiré dans ce projet ultra-secret par la personnalité du scientifique Otto Schmidt, d'origine allemande comme lui et bolchevik de la première heure, qui est véritablement à l'origine de cette entreprise. Le nom d'Otto Schmidt est indissociable de la conquête de l'Arctique qu'il a lui-même tentée à plusieurs reprises par bateau. Cette fois, l'expédition se fera par avion, le chef pilote étant Mikhaïl Vodopianov. L'objectif est d'abord scientifique mais, au-delà, une station radio implantée au Pôle Nord permettrait de sécuriser les longs-courriers soviétiques survolant le pôle Nord en direction des Etats-Unis, sans compter le prestige international qu'offrirait le succès d'une telle opération. Enfin, l'enthousiasme que suscitent à la fois le métier d'aviateur et la conquête de l'Arctique est immense en URSS à l'époque.

Deux reporters soviétiques couvrent l'expédition, dont Lazare Brontman pour La Pravda. 33 hommes et quarante tonnes de matériel sont transportés par avions gros porteurs en faisant plusieurs escales de Moscou jusqu'à l'Archipel François-Joseph, au bord de l'Océan Arctique, où est installé le camp de base de l'expédition. La pose d'une balise au pôle Nord sera effectuée le 21 mai 1937. Le 25 juin, Staline et tout le Politburo accueillent les "faucons" de Staline et l'organisateur scientifique de l'expédition, Otto Schmidt, auquel est attribué le titre de héros de l'Union soviétique. La foule leur fait un triomphe.  Papanine, quant à lui, restera avec son équipe de 3 personnes sur la balise dérivant sur la banquise pendant 270 jours.

La même année, Sigismund Lewanevski, pilote d'origine polonaise, tentera  sans succès de gagner les Etats-Unis en passant par le Pôle Nord. Valéri Tchkalov réussira, en passant également par le Pôle Nord, à atterrir à Portland dans l'Oregon, toujours en 1937, ainsi que Mikhaïl Gromov, qui ira jusqu'à San Diego ; enfin Lewanevski mourra dans une même tentative sans que l'on retrouve trace de son équipage. Le film met en évidence comment, petit à petit, le nom de Papanine – qui incarne l'homme russe de la base – va éclipser celui d'Otto Schmidt, scientifique d'origine étrangère, issu d'une intelligentsia liée à l'Ancien Régime, même si lui-même a toujours été foncièrement bolchevik.

Un reportage extrêment détaillé sur l'expédition, une énorme quantité d'images d'archives et l'intérêt des interviews font de ce film un document précieux. Le réalisateur fait par ailleurs, tout au long du film, un parallèle avec les purges et le début de la Terreur qui s'ouvrent au même moment à Moscou (procès du maréchal Toukhatchevski).

[Interviews : Sigurd et Wladimir Schmidt, fils de Otto Schmidt (Wladimir explique que son père était mi-letton mi-allemand, et sa mère mi-ukrainienne mi-juive) ; Valentina Romanenko, nièce de Ivan Papanine ; Theodor Krenkel, fils de Ernst Krenkel ; Rostislav Brontman, fils de Lazare Brontman].