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Symphonie du Donbass (La) / Enthousiasme
(СИМФОНИЯ ДОНБАССА / ЕНТУЗИАЗМ )

Film documentaire, U.R.S.S. (Ukraine), 1930, de Dziga Vertov, en noir et blanc, muet.

Production : UKRAINFILM, Studio de Kiev, U.R.S.S. (Ukraine), 1930

Durée : 68 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : anglais

Résumé :
En Ukraine, le cinéma sonore apparaît de manière hésitante au début des années 30. Résultant d’une décision politique qui privilégie l’industrie lourde aux dépens de l’industrie légère, le passage du muet au parlant se fera par étapes successives. Sur les quelques 110 longs métrages tournés en Ukraine entre 1930 et 1935, seule une vingtaine sera sonorisée ou conçue sonore selon trois catégories : les films naturalistes ou expérimentaux, les films à illustration ou accompagnement musical, les films de fiction parlant. Expérimental selon la conception théorique vertovienne, La Symphonie du Donbass est considéré comme le premier film sonore ukrainien, tous genres confondus. Appelé aussi Enthousiasme, ce troisième et dernier documentaire de Dziga Vertov tourné en Ukraine connut en 1931 un  succès en Europe occidentale lors du passage de Vertov à Berlin, Hambourg, Breslau, Hanovre, Genève, Bâle, Paris et Londres. Mais une fois de plus le spectateur soviétique ne le suivit pas en raison du caractère expérimental de l’œuvre et sous l’effet défavorable de la critique de son film précédent L’Homme à la caméra. Initialement, dans ce documentaire sur l’industrialisation de la région houillère du Donbass, Vertov devait montrer comment les mineurs avaient voulu et pu atteindre en quatre ans seulement les objectifs que leur fixait le plan quinquennal, mais il s’enthousiasma pour un style lyrique enrichi par l’usage  recherché des sons industriels et la musique de Nicolas Timoféiev et Dmitri Chostakovitch. Le son fut enregistré à l’aide de la première station mobile du cinéma sonore conçue par Alexandre Chorine, système encore balbutiant comparé aux techniques américaines ou européennes de l’époque. Le réalisateur et les preneurs de son travaillèrent avec acharnement, au jugé, sans possibilité de vérifier le résultat des enregistrements. Vertov recourut fréquemment aux surimpressions et aux collages aussi bien visuels que sonores. Le résultat fut plus que médiocre. Le réalisateur s’obstinait à user de son outil au maximum et finissait par empêcher toute perception normale de son propos. Lors des projections, il s’occupait lui-même des mises au point sonores, martyrisant les oreilles des spectateurs tant il montait le son des haut-parleurs. Bien que félicité par Charlie Chaplin qui, par sympathie et solidarité, considérait que c’était le meilleur film de l’année, Vertov n’obtint pas le succès escompté. Véritable symphonie du vacarme des machines, avec des enregistrements synchrones de voix humaines tantôt sourdes, tantôt tonitruantes, ce documentaire allait dans le sens du contrepoint sonore qu’inférait la théorie du ciné-œil/ciné-oreille - capter le son sur le vif et le dissocier au minimum de l’image -, mais le résultat fut plus cacophonique que de l’ordre d’une expérimentation avant-gardiste formelle. La bande-image primait sur la bande-son. Opposant l’ancien au nouveau dans un style très proche du reportage, Vertov s’attarda sur les fidèles dans les espaces cultuels qui allaient être désacralisés et repris par les activistes communistes. La séquence de la démolition du bulbe de l’église et son remplacement par l’étoile rouge est en son genre un spectacle visuel rarement égalé. La caméra chancelle face à des  ivrognes titubants. Interactive, elle se faufile dans les fanfares militaires, les défilés du komsomol, mais reste contemplative, en contre-plongée frontale, face au secrétaire général du PCU Stanislav Kossior, l’un des futurs responsables du holodomor en Ukraine. De superbes séquences à effet visuel réalisées dans les fonderies rehaussent ce documentaire de commande et de propagande sociale.

[Résumé rédigé par Lubomir Hosejko]

Musique : Extraits de La Marche de la symphonie du Donbas de Nemyrovskyi et du Premier  mai (Symphonie n°3 en mi bémol majeur) de Dmitri Chostakovitch

Son : Nicolas Tymartsev, Petro Chtro

 

Orientations bibliographiques :

Dziga VERTOV, "De Charlie Chaplin, des ouvriers de Hambourg et des exhortations du Docteur Wirth", Proletarskoe kino, mars 1932 ; Georges SADOUL, Dziga Vertov, P, Editions Champ Libre, 1971 ; Dziga VERTOV, Articles, journaux, projets, P, coll. 10/18, 1972 ; Jay LEYDA, Kino. Histoire du cinéma russe et soviétique, 1976 (trad. française), p.326-327 ; R.W. DAVIES, The Soviet Economy in Turmoil, 1929-1930 (volume 3 de : The Industrialization of Soviet Russia), Harvard, Harvard University Press, 1989 ;  Jean-Paul DEPRETTO, Les Ouvriers en URSS 1928-1941, P, Publications de la Sorbonne - Institut d'Etudes slaves, 1997 ; Jean-Pierre ESQUENAZI (dir.), Vertov. L'invention du réel !, Paris, L'Harmattan, 1998, 273 p. ; Lubomir HOSEJKO, Histoire du cinéma ukrainien, Die, Éd. A DIE, 2001, 445 p. ; Jean-Paul DEPRETTO, "La Symphonie du Donbass de Dziga Vertov", in Natacha Laurent (dir), Le cinéma “ stalinien". Questions d'histoire, Toulouse, Privat, 2003, p. 153-166 ;

Voir aussi les travaux de Valérie POZNER sur la question du son dans le cinéma soviétique dans la "période de transition 1927-1935" < http://www.arias.cnrs.fr/Fiches/Valerie_Pozner.html>

Sur Dziga Vertov : <http://www.cineclubdecaen.com/realisat/vertov/vertov.htm>

Notice créée le 16 Avril 2012. Dernière modification le 16 Avril 2012.

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