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Maison haute (La)
(Московская высотка)

Film documentaire, Russie, 2003, de Pavel Lounguine , en couleur, sonore.

Réalisation : Pavel Lounguine Scénario : (d'après l'ouvrage d'Anne Nivat "La Maison haute des Russes d'aujourd'hui") Pavel Lounguine Image : Oleg Dobronravov Montage : Marc Daquin, Hélène Pasquet

Production : Roche Productions, Russie, 2003

Durée : 87 minutes.

Version originale : français

Résumé :

La "Maison haute" est l'un des sept gratte-ciel érigés à l'époque stalinienne à la gloire de Staline. Ces sept constructions ont été conçues par des architectes différents, mais toutes dans le même esprit (l'université Lomonossov est l'une d'elles). La "Maison haute" a été construite entre 1951 et le début de 1953 – donc durant "le second stalinisme", qui suit la victoire de 1945 – par des détenus des camps et des prisonniers de guerre, et d'après les plans dessinés par l'architecte Dmitri Tchetchouline (images d'archives en très grand nombre des travaux de construction). Elle était habitée exclusivement par les familles des membres de la nomenklatura.

L'idée du film semble d'établir un pont, de chercher un lien entre époque stalinienne et période post-soviétique (le documentaire est réalisé en 2003). La "Maison haute " serait un symbole métaphorique du totalitarisme stalinien mais aussi de la Russie d'aujourd'hui, puisque s'y cotoie ancien et nouveau système, puisqu'y cohabitent ceux qui ont hérité des appartements de leurs parents, membres de la nomenklatura soviétique, et des nouveaux riches qui ont  racheté certains de ces appartements en les restaurant à la mode occidentale. La "Maison haute" offre à Lounguine un scénario visuellement exceptionnel : en parcourant escaliers, appartements, caves, en interviewant ses habitants, le réalisateur déroule une série de portraits hauts en couleurs. On croise ainsi successivement une costumière de théâtre ; le constructeur des SS 20 Nepobedimy qui arbore ses décorations soviétiques mais ne dispose que d'une maigre retraite ; un grand savant de l'Académie des Sciences Alexandre Ivanitsky ; un descendant (artiste peintre) de Vladimir Kosynkin, commandant en second du Kremlin, décédé en février 1953 ; l'arrière-petit-fils de Felix Dzerjinsky (fondateur de la Tchéka), jongleur à la retraite, gardien de parking ... et grand partisan de Vladimir Poutine et du parti "Russie Unie" ; le fils du sculpteur Evgueni Voutchetich qui a réalisé des statues monumentales à l'époque stalinienne ; Clara Lutchko, actrice renommée ayant joué notamment dans Les Cosaques du Kouban  d'Ivan Pyriev. Du côté des vozvraščency – ces Russes qui sont revenus d'émigration après avoir fait fortune en Occident et sont fort bien accueillis dans la Russie poutinienne où ils travaillent souvent pour des firmes étrangères (1) – les exemples sont moins nombreux, mais ils sont complétés par les boutiques de luxe, boîtes de nuit, salons de coiffure branchés, etc. qui ont envahi le rez-de-chaussée de la Maison haute.

Ce paradoxe qu'il voit dans la Russie d'aujourd'hui  semble se situer pour Lounguine dans la continuité de l'ambivalence, du dédoublement permanent entre terreur et  "fête" qui aurait été au fondement du système stalinien. La thématique de l'"homme nouveau" court tout au long du film. Le message du film semble bien être une dédramatisation du retour à Staline – "père, tsar et dieu dans une seule personne" – dans la Russie de Poutine.

Il faut noter l'opulence du film, la qualité de l'image, et la profusion d'images d'archives.

(1) Rappelons qu'ils n'ont rien à voir avec les "retournants" d'après la Seconde Guerre mondiale qui furent piégés par Staline.

Orientations bibliographiques : Anne NIVAT, La maison haute des Russes d'aujourd'hui, P, Fayard, 2002 ;

Notice créée le 4 Avril 2012. Dernière modification le 7 Mai 2012.

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