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Anna Politkovskaïa — Une vie pour la liberté

Film documentaire, États-Unis-Suède, 2011, de Marina Goldovskaïa, en couleur, sonore.

Réalisation : Marina Goldovskaïa Scénario : Marina Goldovskaïa Musique : Bruce Hanifan

Production : Goldfilms, Dixit International, États-Unis-Suède, 2011

Durée : 86 minutes.

Version originale : russe

Doublage : français

Résumé :

Film réalisé par la documentariste russe Marina Goldovskaïa, qui s'est fait connaître en 1988 par une œuvre magistrale, La Naissance du Goulag. Le pouvoir des Solovki.

Ce film constitue un document exceptionnel sur Anna Politkovskaïa, journaliste d'investigation travaillant pour le journal Novaja Gazeta, connue pour ses reportages indépendants sur la deuxième guerre Tchétchénie et qui fut assassinée à Moscou le 7 octobre 2006. Le documentaire est construit comme un journal sur le terrain des différentes missions d'A.P. dans le cadre de ce conflit (images d'archives) auxquelles réagit à chaque fois Politkovskaïa (longues interviews) ; s'y ajoute un très grand nombre de témoignages de journalistes. Mais le film présente l'avantage d'embrasser toute la carrière de la journaliste depuis le début des années 1990 en la recadrant très largement dans sa vie personnelle. C'est ainsi toute la personnalité d'Anna Politkovskaïa qui est approchée. Goldovskaïa offre aussi une enquête extrêmement précise et détaillée sur l'évolution de la vie politique en Russie des années 1990 jusqu'à l'assassinat de la journaliste en 2006.

Mal vue par le régime du président Kadyrov, A. P. s'apprêtait juste avant son assassinat à publier un article sur la torture en Tchétchénie. Annonce de sa mort sur actualités télévisées de la chaîne NTV. Déclaration de  Vladimir Poutine selon laquelle son "influence sur la vie politique en Russie était tout à fait insignifiante". Evocation de son enterrement. Un témoin interviewé [non identifié] lors des obsèques dit : "Les gens comme elle sont des exceptions. Tant qu'ils sont en vie, ils nous inspirent de la colère. Le jour où ils s'en vont, on comprend qu'ils étaient notre conscience". Un second [Alexeï Venediktov] : "Les pressions qui s'exercent sur le journalisme sont écrasantes en Russie.

Témoignages (qui insistent  aussi, assez largement, sur la vie privée d'Anna Politkovskaïa) :

- Raisa Mazepa (la mère de A. Politkovskaïa) : photos d'enfance de la famille;

- Elena Kudimova (sœur de A. P.) : évocation du mariage d'A.P., de son mari Sacha, des débuts de leur mariage, des jeunes enfants ; Extraits du film : A Taste  of Freedom (1991). Alexandre Politkovski (mari à l'époque de A.P.), journaliste, était au début des années 1990 l'un des animateurs de l'émission Politburo extrêmement populaire pendant la perestroïka : longs extraits de l'émission qui évoquait ouvertement la pénurie des produits de consommation, les manifestations de rue contre la pénurie à Moscou vers la fin de la période de la perestroïka ;

- Karinna Moskalenko, avocate amie de la famille ;

- Interview de A. P. environ dix ans plus tard [1999 ?/pas d'indication de date] : elle est séparée de Alexandre Politkovski, auquel le succès a tourné la tête et qui s'est mis à boire ; les enfants ont grandi ; son fils commence à travailler ;

- Plusieurs journalistes évoquent le fait qu'A. P. était loin de faire l'unanimité auprès des ses confrères : Igor Sikorski déplore son "maximalisme". Dimitri Bykov (écrivain) affirme que "son approche passionnelle et féminine de la guerre en Tchétchénie lui faisait perdre toute objectivité" et déformer la réalité. Aleksandr Mnatsekanyan regrette la part de pathos dans ses écrits, qui nuisait à son professionalisme. Evguenia Albats nuance en rappelant qu'A. P. s'était fait le chantre de la défense des exclus, des torturés, des tués dans cette guerre ; Alexeï Venediktov explique le journalisme d'investigation pratiqué par A. P. a aujourd'hui pratiquement disparu en Russie, le meurtre de cette dernière ayant rappelé à tous les risques qu'il comportait ;

- Actualités télévisées dans le cadre de l'émission Itogi annonçant l'entrée en Tchétchénie, venant d'Ingouchie, d'Ossétie du Nord et du Daghestan, de trois colonnes de blindés russes la guerre de Tchétchénie, le 1er octobre 1999, soit le début de la seconde guerre de Tchétchénie.

- Svetlana Ganouchkina, militante des Droits de l'Homme : insistance sur le fait qu'A. P. dérangeait le pouvoir en publiant dans ses reportages une descripiton précise des exactions commises par l'armée russe en Tchétchénie ;

- Longs extraits d'une interview réalisée auprès d'A.P. au début de la seconde guerre de Tchétchénie sur son rôle en tant que journaliste ;

- Kheda Saratova, militante des Droits de l'Homme, explique comment Al Qaïda a commencé à recruter des mères d'enfants assassinés qui cherchaient inconsciemment à venger la mort de leur enfant ;

- Mikhaïl Gorbatchev, Fondation Gorbatchev, ancien président de l'URSS, évoque le sens des valeurs morales, l'idéalisme d'A. P., en rappelant que la perestroïka était, dans son principe même, un élan vers la liberté et la démocratie, mais que le putsch  d'août 1991 a interrompu ce processus ;

- Karinna Moskalenko parle du sentiment de peur qui est revenu avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, cette dernière étant la conséquence de l'incapacité à gouverner de Boris Eltsine au cours de son deuxième mandat ; Images d'archives de la "Marche pour la démocratie" dénonçant le monopole de la bureaucratie (Moscou, 2007) ;

- Attribution du "Prix du courage en journalisme" à A.P. (International Women's Media Foundation, New York, 2002) ; longue interview d'A. P. [2002] où elle manifeste son mépris du danger ;

- images d'archives de la prise d'otages du théâtre Nord-Ost de la rue Doubrovka à Moscou le 23 octobre 2002. Témoignage détaillé d'une amie d'A.P., Elena Baranovskaïa, qui était présente au théâtre ce soir-là et a perdu son mari et son fils dans la prise d'otages.

- Témoignage d'A.P. sur l'affaire de la Doubrovka : l y a eu 129 victimes sans compter les terroristes ; l'action pénale a été classée,  faute de prévenus, tous les preneurs d'otages étant morts ; Nikolaï Patroutchev, directeur du FSB, a fait savoir que la nature du gaz utilisé et ses effets sur l'organisme relevaient du secret d'Etat ; dans le mois qui a suivi la tragédie, certains des survivants se sont adressés à des avocats pour défendre leurs droits, mais aucun – même parmi les plus progressistes – n'a accepté (de se dresser contre l'Etat) ; c'est Poutine en personne qui a décidé de ne pas faire administrer d'antidote, et de classer l'ensemble de l'affaire comme confidentielle.

- Elena Morozova et Maria Gnedykh, amies d'enfance d'A.P. ;

- Dmitri Muratov, rédacteur en chef de Novaja Gazeta,  rappelle qu'A.P. avait "un vrai talent pour défendre les faibles, les humiliés, ceux que la vie avait abîmés", ceux qui étaient au bas de l'échelle sociale et pour fustiger les puissants ;

-Images d'archives de la prise d'otages dans une école de Beslan en Ossétie du Nord (septembre 2004). Politkovskaïa est empoisonnée dans l'avion qui l'emmène à Beslan. Bilan : 344 civils tués, dont 186 enfants.

- Vera Politkovskaïa, fille d'A.P. ;

- Ilya Politkovski, fils d'A.P. ;

- Evocation du dernier ouvrage d'A.P., paru en français fin 2006 sous le titre : Douloureuse Russie. Journal d'une femme en colère.

- Alla Bossart, journaliste, sur A.P. : "C'était une mission, au sens noble, presque une vocation religieuse. Elle ne pouvait pas vivre san. C'était aussi vital que l'air qu'elle respirait".


 

 

Orientations bibliographiques : Ouvrages d'Anna Politkovskaïa :

 Anna POLITKOVSKAÏA, Voyage en enfer : Journal de Tchétchénie, Paris : Robert Laffont, mai 2000, 209p. ; id., Tchétchénie, le déshonneur russe, Paris : Buchet-Chastel, 2003, 185 p., rééd. Gallimard,  coll. « Folio Documents » (no 24), 2005, 315 p. ; id., La Russie selon Poutine, Buchet-Chastel, 2005 ; id., Douloureuse Russie : Journal d'une femme en colère, Paris : Buchet-Chastel, 2006, 420 p. ; id., Qu'ai-je fait ?, Paris : Buchet-Chastel, 2008, 238 p.

Ouvrages sur la Russie des années 2000-2010 :

Marie MENDRAS (dir), Comment fonctionne la Russie ? Le politique, le bureaucrate et l’oligarque, Paris, coll. CERI-Autrement, 2003, 122 p. ; Lilia SHEVTSOVA, Putin’s Russia, Washington D.C., Carnegie, 2003, 306 p. ; Gilles FAVAREL-GARRIGUES, Kathy ROUSSELET, La société russe en quête d'ordre. Avec Vladimir Poutine ?, Paris, coll. CERI-Autrement, 2004 ; Michael McFAUL, Nikolai PETROV and Andreï RYBAKOV, Between Dictatorship and Democracy. Russian Post-Communist Political Reform, Washington DC, Carnegie Endowment for Peace, 2004 ; Kathy ROUSSELET, "Les ambiguïtés de la société russe", in L'Économie Politique 2004/1, n°21, p. 35-44 ; ; id., "Les grandes transformations de la société russe", in Pouvoirs 2005/1, n° 112, p. 23-34 ; Alena LEDENEVA, How Russia really works: The Informal Practices that shaped Post-Soviet Politics and Business, Ithaca – Londres, Cornell UP, 2006, 270 p. ; Françoise DAUCE, "Russie : la société civile en perdition politique", in Revue internationale et stratégique 2007/4, N° 68, p. 93-99 ; Tania RAKHMANOVA, Au cœur du pouvoir russe. Enquête sur l'empire Poutine, P, La Découverte, 2012, 300 p. ;

 

 

 


Notice créée le 29 Mars 2012. Dernière modification le 6 Avril 2012.

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