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Bannissement (Le)
(ИЗГНАНИЕ)

Film de fiction, Russie, 2007, de Andreï Zviaguintsev, en couleur, sonore.

Réalisation : Andreï Zviaguintsev Scénario : Artem Melkoumian, Andreï Zviaguintsev, (d'après la nouvelle "Matière à rire" de William Saroyan) Oleg Neguine Interprètes : Konstantin Lavronenko, Maria Bonnevie, Alexandre Balouev, Maxime Chibaev, Ekaterina Koulkina, Dmitri Oulianov, Alexeï Vertkov Musique : Andreï Dergatchev, Arvo Pärt Image : Mikhail Kritchman Montage : Anna Mass

Production : REN Film, Russie, 2007

Durée : 150 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : allemand, anglais, finnois, français, norvégien

Résumé :

Le Retour  (2003) "tisse une toile d'araignée familiale si dense que tout le monde, le père et les enfants sur l'écran, le spectateur dans la salle, s'y laisse prendre" (1). Les deux films suivants d'Andreï Zviaguintsev  (Le Bannissement / 2007, Elena, 2011) plongent à nouveau ce dernier dans un drame domestique. Le Bannissement est inspiré de la nouvelle Matière à rire de l'écrivain américain d'origine arménienne William Saroyan. Un couple et ses deux enfants quittent une ville industrielle pleine d'usines sinistres pour s'installer à la campagne dans la maison d'enfance de l'homme. Contrastant avec la ville, ce nouveau lieu est environné d'une nature splendide aux collines rases qui se perdent à l'horizon. La maison, située loin de tout, inhabitée depuis longtemps, est vétuste et pleine de charme. Choix du réalisateur, on ne sait ni où ni quand se situe l'action (2). Vera apprend à Alex (Konstantin Lavronenko, interprète du "père" dans Le Retour) qu'elle attend un enfant d'un autre homme. Commence alors une tragédie de l'incompréhension, faite d'absence de dialogue, de violence sourde, muette, tragique. "Dans son retour à la nature, à l'enfance, à l'origine, Alex [...] redevient l'homme à la violence explosive" (3). Les sentiments sont tranchés au scalpel : l'homme, revenu à sa bestialité naturelle, n'envisage pas d'autre solution que de tuer ou de ne pas tuer sa femme. Vera s'enferme dans son mutisme. La solitude des individus est infinie dans cette nature sauvage."Il reste ces deux personnages, bannis d'eux-mêmes et du regard de l'autre, et cet espace, magnifique et cruel, vidé de son humanité" (3).

A l'opposé du Retour, Le Bannissement est un film très lent, esthétisant. La photographie, confiée à Mikhaïl Kritchman dans les deux cas, est somptueuse. Mais, à l'opposé de son premier long-métrage,  Zviaguintsev se fait ici cinéaste contemplatif, avec des plans-séquences interminables, une extrême composition des plans et une façon de "guinder" parfois ses acteurs. Lors de sa conférence de presse dans le cadre du festival de Cannes 2007, il expliquait que le réalisateur devait être  "être capable de rendre visible l'invisible". L'influence de Tarkovski semble plus prégnante encore que dans Le Retour, par la forme, donc, mais également par le contenu. Ainsi, le rejet de l'urbanisation et de l'industrialisation est littéralement martelé par les images ; quant au retour à la nature, il est symbolisé par l'arbre que l'on contemple très longuement en ouverture du film ; ainsi que par les paysannes  qui meulent le foin en chantant dans la dernière scène. Là, on est très proche du courant prônant un retour à la terre, à la campagne, aux valeurs rurales, qui a émergé dans l'URSS des années 1960  ("prose [ou littérature] paysanne") ; courant qui s'accompagnait d'un retour au religieux.

De fait, le film est saturé de références bibliques : la petite fille du couple s'appelle Eve ; la nature autour de la maison s'apparente au paradis terrestre ; le titre du film correspond au terme utilisé par l'Ancien Testament pour signifier qu'Adam et Eve sont chassés du paradis ; les enfants font un puzzle représentant l'Annonciation ; avant leur coucher, lecture de la Première lettre de Saint Paul aux Corinthiens ; enfin le générique de fin se déroule sur fond de chants liturgiques. Mais il semble prudent de s'abstenir de toute interprétation, car il s'agit à l'évidence d'un film extrêmement complexe dont Zviaguintsev se garde bien de donner la clé.

Le retournement de la fin, explicité par une série de flash backs, casse un peu l'unité du film. Dans Le Retour, déjà, le mystère métaphorique qui nimbait le film jusqu'à la fin était cinématographiquement rompu par la série de photographies censées éclairer l'ensemble.

 

(1) Critique du film Le Retour par Thomas Sotinel, Le Monde, 26 novembre 2003.

(2) "Le temps et l'espace s'effacent : nous avons voulu créer un lieu de vie dans lequel, temporellement et spatialement, il serait difficile de comprendre où et quand se déroule l'histoire" (RIA Novosti / 2007).

(3) Ariane Beauvillard, <http://www.critikat.com/Le-Bannissement.html>

Orientations bibliographiques : Ariane Beauvillard, <http://www.critikat.com/Le-Bannissement.html>

Notice créée le 19 Mars 2012. Dernière modification le 26 Mars 2012.

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