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En découvrant le vaste monde
(ПОЗНАВАЯ БЕЛЫЙ СВЕТ)

Film de fiction, U.R.S.S., 1978, de Kira Mouratova/Muratova, en couleur, sonore.

Production : LENFILM, U.R.S.S., 1978

Durée : 79 minutes.

Version originale : russe

Résumé :

En découvrant le vaste monde est le seul film de Kira Mouratova qui ait été tourné à Lenfilm. La cinéaste sortait d'un long temps de silence cinématographique depuis la censure exercée sur son œuvre précédente, Longs adieux (1971), tournée au Studio d'Odessa (comme la plupart de ses films), et il lui était  interdit d'exercer son métier de réalisatrice en Ukraine. En 1977, elle est invitée à venir tourner au studio de Leningard sur la proposition de la rédactrice en chef Frijetta Goukasian.

Adaptation d'un scénario de Grigori Baklanov, intitulé Pourquoi bruissent les bouleaux et retravaillé par Mouratova, le film montre la construction d’un chantier par des jeunes Komsomols. L'objectif de la cinéaste ne semble pas être de "brocarde[r] le film productiviste et le conformisme social" (Hosejko, voir infra, p. 308), puisque cette thématique est au contraire foncièrement proche d'elle, un chantier offrant une représentation romantique, à ses yeux, du chaos en cours d’organisation : « En découvrant le vaste monde me semble être un film foncièrement poétique. C’est mon film préféré. [...] Pour moi il n’y a rien de plus émouvant que la vue d’un chantier, j’adore ça. Un chantier – c’est le chaos, c’est une sphère où la culture n’est pas encore créée, où il n’y a pas de notion de ‘beau’ ou de ‘pas beau’, où il n’y a pas d’esthétique (elle est encore à créer). Le chaos peut sembler horrible, moi il me semble beau »1. Le motif du « chantier », de la mise en ordre du chaos, reprend sur un mode différent un thème que l’on retrouve à plusieurs reprises dans les précédents films de Mouratova – celui d’un monde inachevé, inorganisé. Il correspond à l’une des facettes de la profession de Valentina dans Brèves rencontres, éclaire l’une des séquences de Longs adieux, où l’un des personnages secondaires invite une jeune étudiante en architecture à « construire une ville où tout le monde aura envie de vivre »...

En découvrant le vaste monde est construit autour d'une histoire d'amour triangulaire. Liouba l'ouvrière sort avec Nikolaï, chauffeur de camion, dragueur qui la maltraite. Un jour, elle découvre le timide Mikhaïl ; ils vont tomber amoureux l'un de l'autre. C'est le premier film où apparaît, baignée de lumière, Natacha Leblé, actrice fétiche de Mouratova. On a là une des œuvres les plus épanouies de la réalisatrice, sorte d'hymne au bonheur qui évoque Le Milicien amoureux, bien plus tardif (1992).

1) Extrait d’une interview non publiée de Kira Muratova, réalisée le 9 décembre 1987 par Françoise Navailh dans le cadre de la préparation du Festival de Créteil de 1988.

Orientations bibliographiques : D. POPOV, “Bog umer”, Iskusstvo kino, 3, 1990, pp. 37-41 ; J.-P. FARGIER, “Viva Muratova”, Art Press (cinéma), n° 159, juin 1991, pp. 54-56 ; J. TAUBMAN, “The cinema of Kira Muratova", The Russian Review, 52, juillet 1993, p. 367-381 ; A. PLAKHOV, “Kira Muratova", Vsego 33: Zvezdy mirovoy kinorežissury, Vinnitsa, Akvilon, 1999, p. 201-212 ; G. ROBERTS, “The meaning of death: Kira Muratova's cinema of the absurd", in B. REUMERS (dir), Russia on reels: the Russian idea of post-soviet cinema, Londres, I.B. Tauris, 1999, p. 144-160 ; Lubomir HOSEJKO, Histoire du cinéma ukrainien, Die, Éd. A DIE, 2001, 445 p. ; Jane TAUBMAN, Kira Muratova, Londres, I.B. Taurish publishers, 2004, 168 p. ; Nancy CONDEE, The Imperial Trace. Recent Russian Cinema, Oxford-Londres, Oxford UP, 2009, 352 p. (ch. 4 : "Kira Muratova: The Zoological Imperium", p. 115-140) ;  Eugénie ZVONKINE, « Les états de la dissonance dans l'oeuvre cinématographique de Kira Mouratova», thèse, Paris 8, 2009 ; Martine GODET, La pellicule et les ciseaux. La censure dans le cinéma soviétique du Dégel à la perestroïka, P, CNRS Editions, 2010, 308 p. (thèse EHESS, Paris, sous la direction de Marc Ferro, 2000) ;   Eugénie ZVONKINE,"Kira Mouratova, la beauté du chaos", Cahiers du cinéma, n° 661, novembre 2010 ;

Notice créée le 13 Février 2012. Dernière modification le 18 Juin 2012.

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