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Vie privée de Pëtr Vinogradov (La)
(ЧАСТНАЯ ЖИЗНЬ ПЕТРА ВИНОГРАДОВА)

Film de fiction, U.R.S.S., 1934, de Alexandre Matcheret, en noir et blanc, sonore.

Réalisation : Alexandre Matcheret Scénario : Lev Slavin Interprètes : Boris Livanov, V. Tsichevski, K. Gradopolov, G. Pachkova, N. Ardi Musique : Lev Knipper Image : Evgueni Slavinsky Décors : A. Outkine

Production : MOSKOVSKAÏA KINO-FABRIKA, U.R.S.S., 1934

Durée : 67 minutes.

Version originale : russe

Résumé :

Selon Bernard Eisenschitz (in Bernard EISENSCHITZ, éd., Gels et Dégels. Une autre histoire du cinéma soviétique, Paris, Centre Pompidou-Mazzotta, 2002, p. 127), il s’agit d’une  "comédie ambiguë sur les loisirs d'un groupe de jeunes gens venus de la province à Moscou. Le protagoniste (Boris Livanov [...]), antipathique auteur d'une invention qui fait économiser de l'argent à son usine, est en même temps un séducteur indifférent qui ne se trouve à lui-même qu'un défaut : 'Croire que les filles sont toutes pareilles' ".

Cette ambiguïté commence par le genre même du film (comédie) : l'action ne porte quasiment que sur les loisirs de Pëtr, Senia et Kotia, ainsi que de leurs amies Valia et Tonia. Dans une période consacrée à l'industrialisation du pays à grande échelle, ces loisirs mis en scène de manière superficielle, avec une gaîté forcée et des applaudissements frénétiques (cf. scène d'ouverture) sonnent faux et évoquent à s'y méprendre la phrase de Staline : "La vie est devenue meilleure, camarades, la vie est devenue plus joyeuse" (1).  Au travers de cette gaîté de commande perce la violence de la période et des sentiments : ainsi dans la scène, qui se veut comique, du concert au parc Gorki, le flagrant délit amoureux qui va confondre le héros principal Piotr Vinogradov est plus proche d'un  véritable procès en dénonciation que d'un vaudeville. En URSS, à cette époque, il ne fait pas bon être traître en amour, pas plus que traître envers l'Etat. De fait, le personnage du héros Pëtr Vinogradov n'est pas traité de manière tellement différente de celle du traître et saboteur Pavel Kuganov dans La Carte du parti (Ivan Pyriev, 1936), même si on reste dans le registre de la comédie.

L'ambivalence perce donc aussi au travers du personnage du héros principal. Car Pëtr Vinogradov, bel homme, bon travailleur au service de l'Etat soviétique, génie de la mécanique, mais opportuniste, hypocrite, à la fois bourreau des cœurs inconstant et grossier envers tous (kham), présente un profil ambigu : son dévouement au régime (qui se manifeste par sa capacité de travail et son "esprit de parti") apparaît comme insuffisant. Le message du film semble donc consister à stigmatiser son absence de valeurs morales et ses mauvaises manières, dans l'objectif d'insuffler au public une nouvelle morale socialiste.

On retiendra la facture tout à  fait personnelle du réalisateur Alexandre Matcheret, dont les films (tout particulièrement L'Erreur de l'ingénieur Kotchine, 1939) semblent résister  au formatage stalinien.

(1) Phrase prononcée lors du discours de Staline à la première conférence des stakhanovistes de l'Union soviétique, le 17 novembre 1935,  cf. K.V. Dušenko (éd.), Slovar' sovremennykh citat, MOSCOU

 

 

Orientations bibliographiques : Jay LEYDA, Kino. Histoire du cinéma russe et soviétique, Lausanne, L'Age d'Homme, 1976, 533 p. [éd. originale anglaise : 1960 ; sur Matcheret, p. 288-289] ; Voir biographie d'Alexandre Matcheret dans : Bernard EISENSCHITZ éd., Gels et Dégels. Une autre histoire du cinéma soviétique, Paris, Centre Pompidou-Mazzotta, 2002, p. 127 ;

Notice créée le 21 Décembre 2011. Dernière modification le 13 Janvier 2012.

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