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Histoire d'une famille témoin de son époque
(История семьи как эпоха)

Film documentaire, Russie, 2008, de Svetlana Tandit, en couleur/noir et blanc, sonore.

Réalisation : Svetlana Tandit Musique : Anton Viskov Image : Artem Tchernov Montage : Anastasia Slastina

Production : OOO "CM Film", Russie, 2008

Durée : 25 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : français

Résumé :

Ce documentaire raconte l'histoire d'Assia Koukhleva, depuis la révolution de 1917 jusqu'à nos jours. Il est illustré de nombreuses images d'archives portant sur la révolution, la Seconde Guerre mondiale, la mort de Staline,  l'époque  Khrouchtchev et Brejnev, des scènes de rues de Moscou,  les jeunes, les travailleurs,  la propagande soviétique... Ces images d'archives (dont quelques-unes sont peu connues) alternent avec des images en sépia d'une jeune adolescente qui retourne sur les lieux de son passé. Le fil conducteur est le récit d' Assia, 85 ans en 2008, qui raconte son histoire, à Moscou, chez elle. 

En 1937, Assia a 14 ans. Un jour, elle rentre chez elle, 8, Serebriany Pereoulok, à Moscou, et trouve l'appartement familial sous scellés. La voisine lui dit que ces parents ont été arrêtés par les agents du NKVD. Elle téléphone à la sœur de son père, qui lui répond qu'elle ne peut rien pour elle, car ses fils sont membres du Parti. C'est une autre tante, Pauline, sœur de sa mère, qui la recueillera avec sa petite sœur. Assia ne comprend rien à qui se passe, elle n'a jamais entendu parler des arrestations.

Puis elle apprend que ses parents sont à la Boutyrka (prison de Lefortovo, rue Boutyrskaïa à Moscou). Elle commence à apporter des colis, au milieu d'une foule interminable de personnes qui apportent aussi des colis. Puis un jour, on lui dit: "Ne venez plus, vos parents ne sont plus là". Alors elle écrit au camarade Staline :"Cher camarade Staline, maman et papa ont été arrêtés. Ils ne sont coupables de rien. Aidez-moi s'il vous plait à les retrouver". Elle ne reçoit aucune réponse. Alors, elle essaye de se souvenir....Un jour, sa mère avait été voir un certain monsieur pour lui dire qu'elle avait très envie de revoir sa mère (c'est-à-dire la grand-mère d'Assia), qui, à cette époque, vivait en France.  Il lui avait promis de l'aider. En fait, cet homme était un stoukatch, un provocateur.

 Une partie de la famille d'Assia avait émigré en France en 1918, à la révolution, avec de faux passeports. D'autres membres de la famille, dont la mère d'Assia, qui travaillait au Secrétariat de Lénine, avaient  décidé de rester en Russie. Ils furent tous condamnés par la suite. Jusqu'en 1936, Assia correspondit avec sa grand-mère en France (qui avait donc émigré avec les sœurs de la mère d'Assia), mais après l'arrestation de ses parents, la correspondance fut interrompue. À la fin de ses études, Assia voulut s'inscrire à la faculté de géologie : son inscription fut refusée, car ses parents avaient été condamnés. Par la suite, quand elle devait remplir des formulaires d'enquête (comme tous les Soviétiques avaient à le faire), à la mention "parents", elle écrivait "parents décédés". En 1941, au début de la guerre, elle entra  à l'école de radio (pour faire partie des journalistes de guerre qui seraient parachutés à l'arrière du front), mais fut exclue pour réponse inexacte (quant à ses parents) dans l'enquête d'embauche. À la fin de la guerre, lorsqu'Assia se maria, son mari fut transféré de Moscou à Tallinn, toujours pour cette même raison. Puis elle travailla dans une école.

Enfin ! Staline mourut.

En 1956, après le discours de Krouchtchev sur le culte de la personnalité, Assia  essaya de retrouver ses parents en France, sans succès. En 1965, elle retrouva la trace de sa famille émigrée grâce à une jeune Française venue en URSS dans le cadre d'un échange scolaire. La correspondance put reprendre et Assia vint voir les siens en France pour la première fois en 1972. Ils continuent à se voir.

 En 1986, Assia reçut le document suivant du tribunal militaire : "Les membres de votre famille ont été arrêtés, condamnés et fusillés pour espionnage au service des Japonais". Assia voulut se rendre au "Polygone de Boutovski", cave située en-dessous de la Loubianka, où  furent jetés les corps de ceux qui avaient été fusillés dans cette prison. Mais elle refusa la proposition du parquet (prokuratura) militaire d'avoir accès au dossier de  l'affaire concernant ses parents.

Dernières paroles d'Assia dans le film : "Aucun Staline n'a pu me tuer. Personne n'a pu me briser.[...] Ce sont les joies de la vie qui m'ont permis de rester en vie".

Ce film est atypique en ce sens qu'il ne ressemble pas aux dizaines de témoignages et de documents filmiques qu'on a vu défiler sans fin sur les écrans de télévision occidentaux depuis la perestroïka.  Il s'agit bien du même "fracas", au sens psychiatrique, dans ces vies balayées par l'épopée de l'histoire soviétique, que dans tous ces films, mais l'histoire d'Assia Koukhleva offre une note personnelle, émouvante, proche.

[Traduction : Hélène Fara, sous-titrage : Serge Blerald]

 

 

Orientations bibliographiques :

Notice créée le 14 Octobre 2011. Dernière modification le 14 Octobre 2011.

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