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Chemin de Tatva (Le)
(Дорога Татвы)

Film documentaire, Russie, 1992, de Andreï Golovnev, Alexandre Aristov, en couleur/noir et blanc, sonore.

Production : STUDIO DU BUREAU ETHNOGRAPHIQUE (EKATERINBOURG), Russie, 1992

Durée : 28 minutes.

Version originale : russe

Résumé :

Le peuple nenets  appartient au groupe Samoyède du grand Nord de la  Russie. C’est le peuple plus important du grand nord de la  Sibérie. Actuellement composée de 35 000 individus, sa population est en constante progression.  Une partie des Nenets habite dans la péninsule de Yamal, en bordure de la mer de Kara, au nord des monts Oural, au nord-ouest de la Sibérie.  Leur mode de vie nomade est fondé sur les migrations saisonnières (du nord au sud de la péninsule de Yamal) des troupeaux de rennes. Ils vivent également de la pêche. Pendant des décennies de gouvernement soviétique, les Nenets ont résisté aux tentatives du pouvoir central de les sédentariser de force. La péninsule de Yamal est ainsi l'un des rares endroits où un peuple nomade a pu conserver sa culture traditionnelle. Les Nenets boivent le sang du renne, honorent les dieux et parlent nenets. Ils vivent dans l’espace illimité de la toundra, dorment  dans la tchoum,  tente en peaux de rennes, et  portent la malitsa  et la iagushka,  vêtements masculins et féminins en  peaux de rennes. La force  du peuple  nenets est d’avoir su conserver son identité, son mode de vie nomade, ses croyances et ses traditions, sans pour autant avoir tourné le dos à la modernité. Il a ainsi su résister à l’exploitation de son territoire pour ses gisements de gaz et de pétrole. Les Nenets  sont aujourd’hui officiellement reconnus  comme un peuple autonome du nord de la Sibérie.

Andreï Golovnev, anthropologue attaché à l'Institut d'Histoire et d'Archéologie d'Ekaterinbourg, fondateur et directeur du "Bureau ethnographique" (Ekaterinburg ), a dirigé de nombreuses expéditions anthropologiques et archéologiques dans le Grand Nord sibérien. Ses travaux sont consacrés à l’étude du peuple nenets. L' ouvrage de référence sur le sujet, Siberian Survival. The Nenets and their Story (voir ci-dessous), que A. Golovnev a rédigé en collaboration avec la juriste Gail Osherenko (1999), s’appuie sur trois enquêtes de terrain réalisées durant les étés 1992, 1993 et 1994, et autant d’années de recherches, qui visaient à faire le bilan des changements institutionnels, sociaux et culturels intervenus au sein de cette communauté indigène de Russie durant les années de glasnost. A. Golovnev a également réalisé de nombreux films ethnographiques.

Le Chemin de Tatva (1992) est son premier film. Il nous parle de la vie de Tatva, un Nenets qui vit dans un tchoum dans la forêt, la toundra ; il est aveugle.

Commentaire qui accompagne le film  [traduction : Hélène Fara] :

" Ici  au campement de Porsavar, on peut y passer sa vie entière. Tout autour c'est la toundra. Chaque nouvelle journée commence avec l'espoir qu'elle ne sera pas pire que la précédente.

Il y a encore trois ans, il y avait trois tchoum  (tentes) sur le campement. Aujourd'hui il n'en reste que deux, dans lesquels vivent deux petits vieux et une petite vieille. De temps à autre, des jeunes passent pour pêcher et  leur apporter du pain et du poisson.

Quel âge ont-ils ? Nul ne le sait! Les Nenets  ne comptent pas les années, tant qu'ils vivent, on les appelle les vieux et après, tout simplement, ils meurent. Les vieux ressemblent de plus en plus à la terre. Pendant leur  vie, ils  mangent ce que donne  la terre  et puis  c'est la terre qui les mange. Les vieux le savent et ils mangent de moins en moins.

 Au campement, au milieu des tchoum, il y a une maison. Les Nenets ne construisent pas de maison en bois. Mais ici vit Tatva.

Il a construit sa maison tout seul. Sa barque aussi, il l'a construite tout seul, et les nasses, les pièges pour les poissons, aussi. Il a installé une longue corde pour suivre le chemin qui  mène au lac.

Chaque jour, il se rend au lac pour vérifier les nasses. Il connaît les caprices de chaque piège, les paresseux et les travailleurs, les habiles et les  difficiles.

Sans poisson, on ne peut pas vivre, c'est pourquoi il faut en pêcher en petite quantité, mais tout le temps. L'hiver, il est congelé, à l'air, et l'été il est séché au vent et au soleil pour éloigner les oiseaux.

 Les Nenets pensent que le lac est une personne, avec des bras, des jambes, avec  une tête et  des yeux, mais le cœur appartient aux esprits protecteurs.

Si le poisson pourrit alors, les esprits enverront le malheur sur l'homme. C'est pourquoi il  ne faut pas poser de grands pièges.

Et si l'on a trop de poissons, il vaut donner le surplus aux voisins.

L'homme doit sentir un peu le poisson, un  peu le renne et un peu

la mousse. La mousse sert à couvrir le toit, à nettoyer la saleté,

 à allumer le feu pour repousser les cafards, à purifier la tchoum.

 

...Le père de Tatva est mort. Et pourtant il était fort, le plus fort du campement.  Il voulait construire sa maison en bois, mais, avec le bois, on a fait son cercueil. Mais son âme est encore là, pas loin. Tatva a toujours vécu avec les Nenets, il parle nenets et quelques mots  de russe. Mais la culture nenets est la seule capable de comprendre le monde qui l'entoure. Son père lui a appris des chansons.  Et Tatva est le meilleur conteur du campement, et les chansons vivent en lui. Parfois, il oublie les paroles, alors il en invente d'autres.

 

Quelques mois après le tournage, Tatva s'est marié. Il porte un nouveau costume. Il a quitté le campement".

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

Orientations bibliographiques : Андрей Головнёв, Говорящие культуры: традиции самодийцев и угров. Екатеринбург: УрО РАН, 1995. 607 с. ; Andrei V. GOLOVNEV, Gail OSHERENKO, Siberian Survival. The Nenets and their Story, Ithaca-Londres, Cornell UP, 1999, 176 p. ; Андрей Головнёв, Кочевники тундры: ненцы и их фольклор. Екатеринбург: УрО Ран, 2004. — 344 с. ; Андрей Головнёв, Дом на холме. Песни. Екатеринбург, 1997. 251 с. ; Андрей Головнёв, Антропология движения. Екатеринбург, 2009. 497 с.

Notice créée le 4 Octobre 2011. Dernière modification le 4 Juillet 2012.

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