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Terre a soif (La) / Les deux mines
( Земля жаждет)

Film de fiction, U.R.S.S., 1930, en noir et blanc, muet.

Production : VOSTOKKINO, U.R.S.S., 1930

Durée : 60 minutes.

Version originale : russe

Résumé : Le film relate la venue de cinq komsomols (membres de l’organisation de la jeunesse communiste du Parti communiste d’URSS), tous de nationalités différentes (un Russe, un Ukrainien, un Juif, un Géorgien et un Turkmène) dans un petit village turkmène où la population, en manque d’eau potable, meurt de soif. Le bey local – soit un riche propriétaire terrien – garde jalousement la seule source d’eau du village, s’en servant pour arroser son potager et asservir la population. Le président du soviet du village, un jeune homme turkmène, fait appel à l’école d’ingénieur d’Achkhabad, capitale du Turkménistan, pour trouver une solution. C’est dans ce cadre que les cinq komsomols, tous ingénieurs pleins d’entrain et unis par une sincère amitié, viennent construire un canal. La population est tout d’abord réticente à la venue de ces Soviétiques qu’elle assimile aux Russes, c’est-à-dire aux héritiers du pouvoir tsariste qui, comme l’indique un carton, ont assassiné « leurs pères et leurs frères » lors du soulèvement des populations locales suite à l’annonce en 1916 du décret impérial sur la conscription des populations de la Province du Turkestan pour les travaux d’arrière lors de la Première Guerre mondiale. Mais les Russes d’avant ne sont pas les Soviétiques du présent et les komsomols arrivent à convaincre les Turkmènes de travailler avec eux et, sous un soleil écrasant, ils creusent côte à côte le canal à proximité du village. L’eau jaillit des montagnes et les komsomols sont accueillis au village comme des héros.

Le film La Terre a soif  correspond au niveau de plusieurs thématiques aux préoccupations politiques du moment en URSS : il s’agit d’un des premiers films soviétiques consacré aux grands chantiers de construction en URSS (ici l’approvisionnement en eau des régions arides du Turkménistan) ; le film s’appuie également dans son typage des personnages sur les mesures politiques prises concernant la collectivisation et la dékoulakisation (le bey local s’enrichit aux yeux de tous et laisse mourir la population qu’il exploite) ; la condamnation des représentants religieux trouve également sa place dans ce film (l’imam local est de mèche avec le bey) comme il est entendu en cette fin des années vingt. Le film fait l’éloge de ce qui deviendra par la suite une expression figée en URSS, l’« amitié des peuples » : les cinq komsomols, chacun de nationalité différente, entretiennent une véritable amitié qui n’est jamais remise en cause par la moindre compétition, même s’ils tombent tous amoureux de la belle Djamal qui leur prête main forte dans leur projet. De plus, le film dépareille des autres films qui seront produits par la suite au niveau de la représentation des relations interethniques et des « Orientaux » turkmènes. La Terre a soif, malgré une intrigue prévisible, s’éloigne d’un style trop rébarbatif grâce à un montage équilibré et efficace, par des prises de vue originales, une interprétation toute en légèreté et humour et une vision utopique de l’avenir très personnelle de la part des auteurs du film.

Enfin, le film est sans aucun doute un des témoignages de la réussite de la société par actions, ou studio de cinéma, Vostokkino, le Cinéma oriental. Fondée en 1928, cette structure de production, de diffusion et de formation aux métiers du cinéma, avait pour but de créer un cinéma à destination des peuples orientaux de la Russie soviétique et plus largement de l’Asie centrale soviétique.

Informations complémentaires sur le film : Le film La Terre a soif aurait inspiré King Vidor pour la réalisation de son film Notre pain quotidien [Our daily bread], 1934.

Le film La Terre a soif fait la une de plusieurs revues de cinéma au moment de son tournage ainsi qu’au moment de sa sortie. L’intérêt pour ce film s’explique d’une part par la nouveauté de sa thématique (il s’agit d’un des premiers films sur la construction du socialisme), d’autre part par la situation du scénariste Sergueï Ermolinski qui avait été reporter pour la Komsomolskaïa Pravda en Asie centrale.

Notons dans ce film la présence de l’actrice géorgienne Kira Andronikachvili qui interprète Djamal et qui avait joué dans le film Eliso (1928) de Nikolaï Chenguelaïa et qui jouera par la suite dans plusieurs films de Vostokkino dont Zelim-Khan d’Oleg Frelikh (1929). Elle est arrêtée en 1937 à la suite de son époux, l’écrivain Boris Pilniak, et ne sera libérée que grâce à l’intervention de sa sœur, l’actrice Nato Vatchnadze, auprès de Staline.

Le film sera sonorisé en 1931. Il a été qualifié à l’époque  de "film d’agitation politique".



 

Orientations bibliographiques :

Pour une analyse complète du film, voir Gabrielle CHOMENTOWSKI, "L’Amitié des peuples à travers le prisme de la caméra soviétique : politique des nationalités et cinéma en URSS (1928-1941)", Thèse de doctorat en science politique, IEP de Paris, 2009, 753 p.

Jay Leyda en parle très brièvement dans Kino, histoire du cinéma russe et soviétique, Lausanne : L’Age d’Homme, 1976, 534 pages, p. 327.

Voir également H. Abul-kasymova, Istorija sovetskovo kino 1917-1967 [Histoire du cinéma soviétique 1917-1967], Moscou , Iskusstvo, publié en 1969-1978, 4 tomes, dans le Tome 1, p. 413 et Tome 2, p. 4.

Notice créée le 23 Septembre 2011. Dernière modification le 14 Octobre 2011.

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