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Dissidents — Les artisans de la liberté

Film documentaire, France, 2009, de Ruth Zylberman, en couleur/noir et blanc, sonore.

Réalisation : Ruth Zylberman Musique : Krishna Lévy Image : Thomas Bataille Montage : Olivier Zuchuat, Ruben Korenfeld

Production : Zadig Productions, France, 2009

Durée : 100 minutes.

Version originale : français

Résumé :

Documentaire sur le phénomène de la dissidence en Europe centrale, soit l'"Autre Europe", sur laquelle le Rideau de fer est tombé en quelque années après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Tchécoslovaquie, Pologne, Hongrie deviennent en quelques années des démocraties populaires, inféodées à l'Union soviétique. Le film retrace le parcours croisé de plusieurs figures hongroises, tchèques et polonaises, de la résistance à l’oppression communiste, de 1956 à 1989, en construisant des parallèles entre la création de l’opposition démocratique et du syndicat Solidarnosc en Pologne, la répression du Printemps de Prague et la Révolution de velours en Tchécoslovaquie, et l’essor du mouvement de littérature clandestine Samizdat en Hongrie. Certaines de ces figures sont devenues célèbres (Vaclav Havel, Adam Michnik, Jacek Kuron), la renommée des autres n'a guère dépassé les frontières de leur pays. Vingt ans après, ces hommes, à Budapest, Prague et Varsovie, ont raconté à la réalisatrice leurs combats d'autrefois. Il s'agit  vraiment d'une chronique de la dissidence dans les pays d'Europe centrale.

Le film alterne des phases de narration historique sur des images d’archives de télévisions occidentales et de la police communiste avec des entretiens intimistes de plusieurs grands noms de la dissidence, tels Petr Uhl, Henryk Wujec  ou Zbigniew Bujak. Ceux-ci abordent leur vécu de manière très personnelle, expliquant comment ils ont fait le choix de risquer leur vie pour dénoncer des régimes totalitaires.

Témoignages (qui accompagnent la description chronologique des événements) :

- Karol Modzelewski (Pologne) ;

- Laszlo Rajk (Hongrie), fils de Laszlo Rajk : évocation du procès de son père, suivi de son exécution en 1949, puis de sa réhabilitation et de ses funérailles nationales en 1956 ;

- Jaroslav Šabata, membre du parti communiste tchèque, tente de réformer le parti de l'intérieur  pour le démocratiser à partir de 1956 ;

- A la même période, en Pologne, Jacek Kuron, ancien chef des Scouts rouges, rompt frontalement avec le système, en même temps que K. Modzelewski, en envoyant une lettre ouverte aux dirigeants du parti : ce sera la première  plateforme d'opposition politique en Pologne. Après l'arrestation des deux hommes, Adam Michnik reprend la relève (interview de Barbara Torunczyk qui appartenait au groupe de Michnik) ;

- Pologne : rôle de l'Eglise catholique comme force d'opposition souterraine au régime ;

- Manifestations étudiantes en Pologne, violemment réprimées (1968): la dissidence polonaise se forge dans les prisons ; toujours en Pologne, campagne antisémite (témoignage de Henryk Wujec) ;

- Tchécoslovaquie : A la même période, le réformateur  Alexandre Dubček devient Premier Secrétaire du parti communiste tchèque  (janvier 1968) et suscite l'espoir de l'avènement d'un "socialisme à visage humain". L'objectif est encore, comme à Budapest en 1956, de tenter de réformer le communisme de l'intérieur. "Printemps de Prague" de 1968. Jaroslav Šabata est, au sein du parti, l'un des protagonistes du changement. Témoignage de Petr Pospichal (Prague). Arrivée sur la scène de Vaclav Havel. Intervention soviétique  à Prague. Pendant que Dubček est sommé de venir s'expliquer à Moscou,  Šabata, resté à Prague, se fait le chantre de la résistance à Moscou.

- Hongrie : témoignage de l'intellectuel Miklos Haraszti (Budapest) sur la "fin des rêves". Après la répression à Prague en 1968, dans les trois pays, les intellectuels quittent le parti avec éclat.

- Tchécoslovaquie : l'immolation par le feu de Jan Palach, en janvier 1969, est interprété comme  une "injonction contre le suicide moral" (Vaclev Havel). Témoignage d'Anna Šabatova (Prague), fille de Šabata, sur les arrestations qui se multiplient, dont la sienne. Témoignage de Petr Uhl (Prague), qui évoque sa sortie de prison en 1975  (il avait été emprisonné en 1969) : il ne retrouve, à l'extérieur, que des gens résignés, repliés sur leur vie privée et se désinteressant totalement de la  politique.

- Dans l'onde de choc qui suit 1968, en Hongrie, la société tout entière, et les intellectuels en particulier, auraient négocié leur silence contre des avantages matériels (tém. de Miklos Haraszti). Ce dernier, exclu de l'université (Budapest) et devenu ouvrier, va dénoncer en 1973 les conditions de vie des ouvriers, censés être la classe dirigeante dans le système communiste. Son ouvrage Le Salaire aux pièces (non publié, même pas en samizdat, mais seulement dactylographié en 6 exemplaires) déclenche un scandale.

- URSS : les dissidents soviétiques forgent un modèle pour leurs frères d'Europe centrale  : le physicien Andreï Sakharov fonde un Comité des Droits de l'homme en 1970. La signature des Accords d'Helsinki en 1975 marque une évolution – les dissidents vont tenter de faire émerger une "société civile" sans plus s'occuper du parti (tém. de M. Haraszti, Budapest).

- Pologne : les révoltes ouvrières dans les usines d'Ursus et de Radom provoquent l'étincelle nécessaire (1976) : la répression brutale  et les procès qui s'ensuivent permettent au milieu intellectuel de se rapprocher du milieu ouvrier (tém. de Henry Wujec, Varsovie). Les intellectuels  tentent d'organiser la défense des ouvriers (tém. de Zbigniew Romaszewski et de H. Wujec), puis passent à l'action ouverte en créant  en septembre 1976 un "Comité de défense des ouvriers" (KOR). Création d'une université clandestine et du journal clandestin Robotnik [L'ouvrier]. Témoignage de Zbigniew Bujak sur l'enjeu que représentait ce journal. Tous ces jeunes engagés dans le mouvement de défense des ouvriers sont appelés "génération Jean-Paul II" : Jacek Kuron, Adam Michnik, Šabata, Vaclav Maly (aujourd'hui évêque de Prague). Le mouvement attire de nouvelles recrues : Zbigniew Bujak et Zbigniew Janas.

- Tchécoslovaquie : élaboration, puis signature de la Charte 77 en janvier 1977. L'un des porte-parole de la Charte, le philosophe Jan Potočka, 70 ans, est arrêté et meurt d'une crise cardiaque (tém. de Petr Pospichal). Harcèlement des signataires de la charte (V. Havel en est aussi l'un des porte-parole).

- Janvier 1979 : visite du pape Karol Wojtyla en Pologne.

- Eté 1980 : vague de grèves sans précédent dans toute la Pologne. Les chantiers navals de Gdansk arrêtent le travail. Comité de grève dont Lech Walesa prend la direction. Celui-ci exige le droit de constituer des syndicats libres (témoignage de Z. Janas ; de K. Modzelewski, porte-parole du nouveau syndicat Solidarnosc, de Z.Bujak élu avec Janas délégués régionaux de la section de Varsovie de Solidarnosc). 1er congrès de Solidarnosc ( tém. de H. Wujec et de K. Modzelewski). Arrestation des dirigeants du nouveau syndicat et proclamation par le général Jaruselski de la loi martiale. Création d'une radio clandestine.

- Début de la perestroïka.

- Juin 1989 : premières élections libres en Pologne ; le corps d'Imre Nagy est réenterré officiellement à Budapest ; novembre 1989 : les étudiants pragois descendent dans la rue : c'est le début de la Révolution de velours. Quelques semaines plus tard, Vaclav Havel est élu président d'une Tchécoslovaquie libre.

 

Orientations bibliographiques : Karel KAPLAN,  Procès politiques à Prague, Bruxelles, Complexe, 1980 ; J. CHIAMA, J.-F. SOULET, Histoire de la dissidence. Opposition et révoltes en URSS et dans les démocraties populaires, de la mort de Staline à nos jours, P, Seuil, 1982, 501 p. ;  Françoise MAYER, Les Tchèques et leur communisme, Paris, Editions de l'EHESS, 2004 ; Sonia COMBE éd., Archives et histoire dans les sociétés post-communistes, Paris, La Découverte / BDIC, 2009, 332 p. ; Duane HUGUENIN, "Les pratiques répressives de la Sûreté de l'Etat tchécoslovaque dans les années 1960", thèse de doctorat, Paris I, 2009 ; Jérôme HEURTAUX, Cédric PELLEN éds., 1989 à l'Est de l'Europe : une mémoire controversée, La Tour d'Aigues : Editions de l'Aube, 2009, 335 p.

Notice créée le 16 Septembre 2011. Dernière modification le 3 Mai 2017.

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