Film documentaire, France, 2009, de Xavier Villetard, en couleur/noir et blanc, sonore.
Production : Zeugma Films, France, 2009
Durée : 60 minutes.
Version originale : français
En avril 1945, la Seconde Guerre mondiale touche à sa fin. Ultime rempart du national-socialisme, Berlin devient l'épicentre du conflit. A l'Ouest, les Américains sont sur l'Elbe, à deux jours de la ville ; au Nord-Ouest, les Britanniques rongent leur frein ; à l'Est, 2.500 000 soldats soviétiques se pressent aux portes de la ville. La guerre les a portés de Stalingrad à Berlin, avec en chemin la découverte et la libération des camps de concentration nazis. Quand l'Armée rouge arrive, les forces anglo-américaines dominent le ciel de Berlin qu'elles bombardent depuis deux ans. La population civile n'a pas été évacuée.
D'avril 1945 jusqu'au début de l'été, trois Berlinoises ont raconté dans leurs journaux intimes la bataille de Berlin vue du point de vue de la population civile, en abordant tous les points de la vie quotidienne. Elles abordent également la question des des viols en série perpétrés par l'Armée rouge. Leur témoignage est croisé avec des journaux anonymes, avec le regard d'autres femmes qui ont vécu la bataille de Berlin. L 'assaut sur le corps des femmes, plus petit dénominateur commun de tous les conflits, sera maintenu dans le silence par un tabou persistant. Dans l'Allemagne de l'après-guerre, la travail de reconstruction a d'autres priorités et cette question passe à la trappe. Ce n'est qu'un certain nombre d'années plus tard que ce thème est enfin abordé. Une part de cette mémoire maudite ressurgit lors de la réunification de l'Allemagne. On compterait environ 100 000 viols et 10 000 suicides liés à ces viols pendant la bataille de Berlin.
Des images d'archives du Berlin de 1945 en ruines défilent sans fin sur fond de lecture monocorde des journaux intimes de ces femmes. On voit en alternance quelques images du Berlin d'aujourd'hui. Documentaire impressionniste qui relate toute la palette du ressenti de ces femmes : dégoût du viol, consentement pour obtenir de la nourriture, pour soi-même ou pour nourrir ses enfants, remords pour certaines de ne pas s'être suicidées (certaines s'ouvrirent les veines avec une lame de rasoir). L'une de ces femmes écrit le 9 mai : "C'est la première fois depuis le 27 avril que j'ai pu passer la nuit seule entre mes draps". Evocation du pillage qui accompagne les viols.Les femmes violées avorteront à partir du mois d'août.
Début juillet, les Américains entrent dans Berlin et le système des zones est mis en place.
On notera la sophistication et la complexité de la bande-son : passe ainsi, en sourdine, au long du film, la chanson "Tiomnaïa notch" [Nuit sombre] chantée par l'acteur Mark Bernes dans le film soviétique de Leonid Lukov, Deux combattants (1943) . "Tiomnaïa notch", qui est pour les Soviétiques la chanson probablement la plus connue de la guerre, incarne avec une douceur lancinante la nostalgie du soldat en guerre, loin de chez lui et de la femme aimée. On entend aussi une autre chanson, tout aussi connue, dans le même régistre de la nostalgie, "Jdi menia" [Attends-moi] sur des paroles du célèbre écrivain Konstantin Simonov. Le réalisateur du documentaire cherche-t-il à faire contrepoids aux atrocités perpétrées par cette même armée victorieuse ? à montrer les deux visages d'une armée en guerre ?
Sur le même thème, voir le film (fiction) de Max Färberböck, Anonyma, eine Frau in Berlin (2008).
Notice créée le 14 Septembre 2011. Dernière modification le 16 Septembre 2011.