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Affaire Kravchenko (L') — La guerre froide à Paris

Film documentaire, France, 2009, de Bernard George, en couleur/noir et blanc, sonore.

Réalisation : Bernard George Scénario : Bernard George, Emmanuel Blanchard

Production : France, 2009

Durée : 50 minutes.

Version originale : français

Résumé :

En 1944, Victor Kravchenko, ingénieur et haut fonctionnaire soviétique et membre de la commission d’achat soviétique à Washington, demande l’asile politique aux Etat-Unis. En 1946, il publie en anglais l'ouvrage, I Chose Freedom. En mai 1947 paraît la première édition européenne de J’ai choisi la liberté (La vie publique et privée d’un haut fonctionnaire soviétique), dont le tirage va atteindre 503.000 exemplaires. L'ouvrage sera traduit en 22 langues. En novembre 1947, Les Lettres françaises publie un article intitulé "Comment fut fabriqué Kravchenko", accusant celui-ci d'être traître à sa patrie,  alcoolique, affabulateur  travaillant au profit des Services Secrets étatsuniens. Kravtchenko riposte en attaquant en diffamation l'hebdomadaire communiste français.

Le 24 janvier 1949 s’ouvre, devant la 17e chambre correctionnelle de la Seine, un procès retentissant opposant les deux parties. D'emblée, il apparaît que ce procès va tourner à la mise en cause du régime soviétique et que la question de fond est celle de l’existence de camps de concentration en URSS. Les Lettres françaises appellent à la barre des témoins prestigieux qui affirmeront sous serment qu’il n’y en a pas et qu’il ne saurait y en avoir. Kravtchenko, lui, fait venir des victimes, des “personnes déplacées”.

Déroulement du procès : En l'absence de l'auteur de l'éditorial des Lettres françaises, qui écrit sous le nom de Sim Thomas [pseudonyme d'André Ulmann], c'est Claude Morgan, rédacteur en chef, qui doit répondre de la diffamation, ainsi que le journaliste André Wurmser.  Du côté des Lettres françaises, les témoins appelés sont Vercors, héros de la Résistance, Frédéric Joliot-Curie, savant, Fernand Grenier, député et membre important du PCF ayant fait deux voyages en URSS en 1933 et en 1936, Louis-Martin Chauffier – tous censés représenter une caution morale pour le Parti communiste en tant que participants à la Résistance ou élite intellectuelle et artistique de la nation ; Jean Baby, professeur, communiste, à l'Institut d'Etudes politiques. Témoignage de Zinaïda Gorlova, épouse divorcée de Kravtchenko. Témoignage du général Roman Rudenko. A ces témoignages dont le but était d'accabler Kravtchenko  succède celui de  Margarete Buber-Neumann, "personne déplacée", veuve du chef du parti communiste allemand avant la guerre, Heinz Neumann. [Alexandre Vatlin] : "Il me semble que son passage d'un camp à un autre est le symbole d'une époque. Cette femme incarnait la catastrophe totalitaire qu'a vécue l'Europe au milieu du XXe siècle. Et son témoignage en faveur de Kravtchenko a eu un impact maximal".

Kravtchenko gagne son procès. On le retrouvera mort, tué d'une balle dans la tête dans une chambre d'hôtel à New York en 1966. 

Personnes interviewées dans le cadre de ce documentaire : Pierre Daix, ancien rédacteur en chef des Lettres françaises, qui évoque "le négationnisme soviétique". Michel Winock, historien, insiste sur la constitution de deux blocs qui marque le début de la guerre froide, l'affaire Kravtchenko servant de détonateur dans ce contexte international : 1948 – blocus de Berlin, coup de Prague en Tchécoslovaquie, grèves de l'automne en France soutenues par le Parti communiste. Gary Kern, historien. Dominique Desanti, ancienne journaliste de la presse communiste ; a fait un voyage en URSS en 1949 avec une délégation des Usines Renault. Claude Lefort, ancien collaborateur de la revue Les Temps Modernes. Edgar Morin, ancien membre du PCF jusqu'en 1951. Alexandre Vatlin, historien russe. Daix, Morin, Lefort, Desanti fournissent dans leurs témoignages une analyse distanciée de leur ancien engagement communiste qui  contribue au très grand intérêt de ce documentaire.

Nombreuses images d'archives, notamment de la collectivisation et de la famine en Ukraine, dans le nord du Caucase et dans la région de la Volga.

Nina Berberova, jeune journaliste fraîchement exilée de l'Est, a alors couvert le procès pour l'hebdomadaire parisien des Russes blancs exilés, La Pensée russe. Elle a rédigé en 2009 l'ouvrage intitulé L'Affaire Kravtchenko. C'est de son ouvrage qu'est tiré le film.

Orientations bibliographiques : Victor KRAVCHENKO, J'ai choisi la liberté ! La vie publique et privée d'un haut fonctionnaire soviétique, Paris, Editions Self, 1947 (reed. : Paris, Olivier Orban, 1980) ; Margarete BUBER-NEUMANN, Prisonnière de Staline et d'Hitler - Volume 1. Déportée en Sibérie, Paris, Seuil, 1949 ; id., Prisonnière de Staline et d'Hitler - Volume 2. Déportée à Ravensbrück, Paris, Seuil, 1988 ; Alexander O. CHUBARIAN, Ilya V. GAIDUK, Natalia I. YEGOROVA (eds.), Stalin and the Cold War. 1945-1953, M, Institute of General History, 1998 ; Рудолф ПИХОЯ, Советский Союз: история власти 1945-1991, М, Высшая Школа, 1999 ; Georges-Henri SOUTOU, La guerre de 50 ans. L'affrontement Est-Ouest. 1945-1991, P, Fayard, 2001 ; Nina BERBEROVA, L'Affaire Kravtchenko, Paris, Actes Sud, 2009 ;

Notice créée le 25 Avril 2012. Dernière modification le 25 Avril 2012.

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