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Ivan
(иван)

Film de fiction, U.R.S.S. (Ukraine), 1932, de Alexandre Dovjenko, en noir et blanc, sonore.

Production : Ukrainfilm, U.R.S.S. (Ukraine), 1932

Durée : 86 minutes.

Version originale : russe

Sous-titres : anglais, français

Résumé :

Extrait de :  Marcel OMS, "Alexandre Dovjenko", Premier Plan, avril 1968, 130 p. (p. 43-46) :

"Il est fréquent d'unir dans une même étude Ivan et Aerograd, deux films qui marquent, selon certains, un relatif éloignement de Dovjenko par rapport à ses œuvres maîtresses.[...]

En 1931, l'U.R.S.S. accentue, dans le premier plan quinquennal, son industrialisation. C'est l'ère des constructions gigantesques et spectaculaires. Ivan dans une certaine mesure est marqué par l'édification du barrage de Dnieprostroï. [...] Ivan, jeune paysan ukrainien quitte ses champs pour aller s'embaucher dans les chantiers du Dniepr. Au début, Ivan ne parvient pas à s'acclimater et il évoque souvent les paysages du pays natal. Pourtant, au fur et à mesure que passe le temps, le jeune homme découvre le nouveau monde des machines fabuleuses et des tâches exaltantes qu'il ignorait totalement ; au contact de ses compagnons de travail il comprend le sens de l'œuvre nouvelle et la mutation s'effectue : Ivan devient un ouvrier conscient et organisé. [...]

La critique la plus fréquemment formulée à l'encontre d'Ivan vise une certaine superficialité – voire l'invraisemblance – dans l'évolution psychologique du personnage central .[...] Ces réserves ne sont pas gratuites mais elles font peu de cas de la conception du monde propre à Dovjenko. Dovjenko est avant tout un affectif, il adhère ou il repousse, mais toujours d'une manière viscérale. Ayant accepté le Verbe du Parti il ne le discute pas, il l'illustre, le défend, le fait chair.

Au personnage positif d'Ivan, il a opposé celui de l'anarchiste sceptique, oisif et paresseux en qui s'incarnent toutes les forces d'inertie et de résistance à la construction socialiste. Bien sûr, le personnage en est superficiel, simpliste et caricatural, mais sa conception relève d'un pragmatisme qui est la caractéristique d'un cinéaste toujours préoccupé de l'efficacité immédiate et de la mise en image de mots d'ordre. 

Pourtant il serait injuste de limiter l'intérêt d'Ivan à la seule première partie du film. Bela Balazs a fort justement mis en relief la valeur tout à la fois cinématographique et psychologique de séquences lyriques comme celle de la construction du barrage où un montage vif et nerveux fait se succéder des visages burinés, ravagés par l'effort, exaltés par la création et des images de machines 'tantôt monstrueuses, tantôt puissances rationnelles' qui finissent par exprimer 'les états d'âme subjectifs des personnages'.

Dès lors l'évolution intérieure d'Ivan prend tout son sens : il est emporté par le contexte, soulevé par la splendeur de l'entreprise collective.

Dovjenko a d'ailleurs développé avec sa poétique toute personnelle cette adhésion d'ivan en une séquence magistrale et majestueuse où le réveil du chantier succède à l'éveil du printemps et le symbolisme un peu naÏf s'efface devant le chant lyrique : le fleuve charrie encore quelques glaçons mais le printemps est là, des nuages courent dans le cial, les rives du Dniepr s'animent.

Le thème est posé : Ivan se dégèle, il charrie encore quelques idées périmées qui fondront à la chaleur fraternelle du travail. Et la séquence suivante enchaîne sur  le réveil du jeune homme émerveillé.

En dépit de ses qualités formelles, Ivan reste une œuvre inégale, voire déséquilibrée. Dovjenko ne retrouve vraiment son souffle que dans les moments de la plus intense rêverire, soit lorsque Ivan songe à sa jeunesse paysanne, soit lorsqu'il s'agit de chanter la force créatrice des hommes socialistes. Tout le reste relève d'un didactisme presque naïf qui ne sut pas convaincre : 'Cette approche non orthodoxe et non naturaliste rendit les critiques soviétiques méfiants et limita l'audience mondiale du film', estime Jay Leyda.

Dans une certaine mesure  Ivan est une œuvre de transition : le héros garde sa dimension paysanne puis s'intègre au monde ouvrier. Dans la forme c'est encore un film qui garde l'esthétique du muet".

Orientations bibliographiques : Aleksandr DOVŽENKO, Sobranie sočinenij v 4 t., M, Iskusstvo, 1966-1969 ; L. et J. SCHNITZER, Dovjenko, Ed. Universitaires, 1966 ; Marcel OMS, "Alexandre Dovjenko", Premier Plan, avril 1968, 130 p. ; Barthélémy AMENGUAL, Dovjenko, Paris, Seghers, “Cinéma d'aujourd'hui", 1970 ; Jay LEYDA, Kino. Histoire du cinéma russe et soviétique, Lausanne, L'Age d'Homme, 1976, 533 p. [éd. originale anglaise : 1960] ; François ALBERA (dir), “Dossier Dovjenko", Positif, juillet-août 2000, p. 128-143 ; Lubomir HOSEJKO, Histoire du cinéma ukrainien, Die, Éd. A DIE, 2001, 445 p. ; George O. LIBER, Aleksandr Dovzhenko : a Life in Soviet Film, Londres, British Fillm Institute, 2002 ; Emma WIDDIS, “Borders: The Aesthetic of Conquest in Soviet Cinema of the 1930's", Journal of European Studies, décembre 2000 ; id., Visions of a New Land. Soviet Film from the Revolution to the Second World War, New Haven - Londres : Yale UP, 2003, 258 p. (p. 155-156) ;

Notice créée le 29 Novembre 2011. Dernière modification le 1 Décembre 2011.

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