Le peuple nenets  appartient au groupe Samoyède du grand Nord de la  Russie. C’est le peuple plus important du grand nord de la  Sibérie. Actuellement composée de 35 000 individus, sa population est en constante progression.  Une partie des Nenets habite dans la péninsule de Yamal, en bordure de la mer de Kara, au nord des monts Oural, au nord-ouest de la Sibérie.  Leur mode de vie nomade est fondé sur les migrations saisonnières (du nord au sud de la péninsule de Yamal) des troupeaux de rennes. Ils vivent également de la pêche. Pendant des décennies de gouvernement soviétique, les Nenets ont résisté aux tentatives du pouvoir central de les sédentariser de force. La péninsule de Yamal est ainsi l'un des rares endroits où un peuple nomade a pu conserver sa culture traditionnelle. Les Nenets boivent le sang du renne, honorent les dieux et parlent nenets. Ils vivent dans l’espace illimité de la toundra, dorment  dans la tchoum,  tente en peaux de rennes, et  portent la malitsa  et la iagushka,  vêtements masculins et féminins en  peaux de rennes. La force  du peuple  nenets est d’avoir su conserver son identité, son mode de vie nomade, ses croyances et ses traditions, sans pour autant avoir tourné le dos à la modernité. Il a ainsi su résister à l’exploitation de son territoire pour ses gisements de gaz et de pétrole. Les Nenets  sont aujourd’hui officiellement reconnus  comme un peuple autonome du nord de la Sibérie.

Andreï Golovnev, anthropologue attaché à l'Institut d'Histoire et d'Archéologie d'Ekaterinbourg, fondateur et directeur du "Bureau ethnographique" (Ekaterinburg ), a dirigé de nombreuses expéditions anthropologiques et archéologiques dans le Grand Nord sibérien. Ses travaux sont consacrés à l’étude du peuple nenets. L' ouvrage de référence sur le sujet, Siberian Survival. The Nenets and their Story (voir ci-dessous), que A. Golovnev a rédigé en collaboration avec la juriste Gail Osherenko (1999), s’appuie sur trois enquêtes de terrain réalisées durant les étés 1992, 1993 et 1994, et autant d’années de recherches, qui visaient à faire le bilan des changements institutionnels, sociaux et culturels intervenus au sein de cette communauté indigène de Russie durant les années de glasnost. A. Golovnev a également réalisé de nombreux films ethnographiques.

Le film Khadampae poursuit, après Les Dieux de Yamal, la description des croyances et de la mythologie des Nenets de l'Oural polaire. Khadampae, c'est le royaume de la déesse du Bout de la Montagne polaire, Paemal Khada.

Commentaire qui accompagne le film  [traduction : Hélène Fara, sous-titrage : Serge Blerald] :

" Jadis les Nenets, les premiers, sont arrivés aux confins de l'Oural polaire. La déesse Paemal Khada a suivi les traces de ces ancêtres.

Ici, sur le mont Menissei, elle s'est arrêtée pour toujours.

Elle a installé sa tchoum (tente) de pierre,  son traîneau de pierre et son renne allongé sous la forme de la montagne.

Ici c'est son territoire, c'est son sanctuaire, c'est le bout de la montagne, Khadampae.

Elle protège et préserve les Nenets de tous les maux.

Aujourd'hui, Anna est en deuil. Elle a perdu sa petite fille, il y a trois mois. Elle emmène avec elle son image, sidriang, qui la quitte jamais. 

Elle est venue  au lac de la déesse de pierre pour lui rendre hommage, pour y faire son rituel.

Les femmes ont leur propre rituel.

Bien souvent il n'est pas aussi solennel que celui des hommes. Parfois même il est presque imperceptible.

Ainsi, de mère à fille, de grand-mère à petite-fille,

se transmet le pouvoir sur le foyer domestique sur toute la tchoum. Ainsi se transmettent les esprits féminins, qui protègent le clan et préservent les nouveaux-nés.       

La force de l'homme est  à l'extérieur, dans la toundra. La force de la femme est à l'intérieur, dans la tchoum

Le pouvoir  de l'homme est visible.

Le pouvoir de la femme est caché.   

Que  d'histoires on raconte  !

Ce petit garçon retrouvé vivant après avoir été mangé

par un énorme brochet....

 et  cette femme attirée par ce lac, que l'on dit ensorcelé.

Autrefois, dit-on, ce lac était le passage qui conduisait du pays des hommes au pays des dieux, au mont Saourei.

On dit que si Saourei a mis sa chapka blanche, c'est signe d'intempéries. Et Saourei, aujourd'hui encore, s'inquiète pour ce monde instable.    

-  Khadampé, entends-tu la voix de Saourei ?

Entends-tu les incantations de cette femme qui s'adresse au feu :

  « Quand, du côté de la glace qui fond, viendra le grand froid

    pour mettre à l’épreuve mon fils, quitte-le.

     ....Quand le froid cruel de la vie  transformera 

   le cœur de mon fils en glace, fais fondre cette glace.

   ..... Si mon fils te souhaite la mort, brûle-le. »

[L'écrivain nenets Anna Nerkagui exécute dans le film le rituel chamanique rendu à la déesse Paemal Khada : elle est un guide vers cette contrée spirituelle.]

[Film réalisé avec la participation de la TV "Tobolsk et Yamal" et la Fondation Mac Arthur, USA].